tag:blogger.com,1999:blog-1976743235969312802024-02-19T16:27:41.192+01:00 A Classical Zombie Story with a Twist by Estelle Valls de GomisUn roman de zombie en ligne, jour après jour pendant 17 jours.Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comBlogger18125tag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-64451740389793338922015-03-02T10:42:00.000+01:002015-03-02T10:46:36.160+01:00Sommaire<h3 class="post-title entry-title" itemprop="name">
</h3>
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<div class="post-body entry-content" id="post-body-1246859442409215220" itemprop="description articleBody">
<div style="text-align: right;">
<b><i>Classical Zombie Story with a Twist</i>, un roman en ligne d'Estelle Valls de Gomis </b></div>
<br />
<span style="font-size: x-small;"><b><span style="color: #e06666;">Les chapitres :</span></b></span><br />
<br />
<b>Chapitre I : <i>1977</i></b><br />
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-i-1977-partie-1.html" target="_blank">partie 1</a> </li>
</ul>
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-i-1977-partie-2.html" target="_blank">partie 2</a> </li>
</ul>
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-i-1977-partie-3.html" target="_blank">partie 3</a> </li>
</ul>
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-i-1977-partie-4.html" target="_blank">partie 4</a> </li>
</ul>
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-i-1977-partie-5.html" target="_blank">partie 5</a> </li>
</ul>
<br />
<b>Chapitre II : <i>1957</i></b><br />
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-ii-1957-partie-1.html" target="_blank">partie 1</a> </li>
</ul>
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-ii-1957-partie-2.html" target="_blank">partie 2</a> </li>
</ul>
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-ii-1957-partie-3.html" target="_blank">partie 3</a> </li>
</ul>
<b><br /></b>
<b>Chapitre III : <i>2007</i></b><br />
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-iii-2007-partie-1.html" target="_blank">partie 1</a> </li>
</ul>
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/" target="_blank">partie 2</a> </li>
</ul>
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-iii-2007-partie-3.html" target="_blank">partie 3</a> </li>
</ul>
<br />
<b>Chapitre IV : <i>1967</i></b><br />
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-iv-1967-partie-1.html" target="_blank">partie 1</a> </li>
</ul>
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-iv-1967-partie-2.html" target="_blank">partie 2</a> </li>
</ul>
<br />
<b>Chapitre V : <i>2017</i></b><br />
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-v-2017-partie-1.html" target="_blank">partie 1</a> </li>
</ul>
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-v-2017-partie-2.html" target="_blank">partie 2</a> </li>
</ul>
<br />
<b>Chapitre VI : <i>Épilogue</i> </b><br />
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-vi-epilogue-partie-1.html" target="_blank">partie 1</a> </li>
</ul>
<ul>
<li><a href="http://classicalzombiestory.blogspot.fr/2015/02/chapitre-vi-epilogue-partie-2.html" target="_blank">partie 2</a> </li>
</ul>
<br />
<ul>
</ul>
</div>
Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-83722658209908389302015-02-26T19:28:00.000+01:002015-02-26T19:28:00.487+01:00Chapitre VI : Epilogue (partie 2)<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjztREYuZ0BqoE1uhsJWXusR4a2fjAf-Uiz-e4SeRbfw1CNcI7rKfuOR9FX5zOgF81Q3BseZcbj74c1BN1IgOECy8p63kapwT4QYAzRED9e8Xoz8ywd0PLsQT0ogI4vMH7w9ZyFu1FjSGZM/s1600/stl_zombies_017.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjztREYuZ0BqoE1uhsJWXusR4a2fjAf-Uiz-e4SeRbfw1CNcI7rKfuOR9FX5zOgF81Q3BseZcbj74c1BN1IgOECy8p63kapwT4QYAzRED9e8Xoz8ywd0PLsQT0ogI4vMH7w9ZyFu1FjSGZM/s1600/stl_zombies_017.jpg" height="320" width="320" /></a></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center; text-indent: 35.4pt;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il se trouvait recroquevillé sur le sol rocailleux d’une grotte,
copieusement meurtri mais pas au point de se croire en péril. La crevasse dans
laquelle il reposait était à peine plus grande qu’un cocon de pierre qu’on
aurait construit autour de lui, mais il parvenait à respirer. Il y avait donc
une issue à cette tombe étrange, une issue par laquelle filtrait un air
respirable. Cependant, Wayland n’avait pas la force de bouger. Simplement, il
respirait, et se recroquevillait encore davantage. Il ne sut jamais depuis
combien de temps il gisait là, ni combien de temps il y resterait, mais au bout
de ce qui lui apparut comme une dizaine d’heures, il commença à ressentir de
violents tiraillements à travers tout son corps, et particulièrement dans ses
articulations. Sa chair et ses os le démangeaient terriblement et il se mit à
se frotter frénétiquement sur le sol de la grotte, il ressemblait à un énorme
asticot, ou à un chien au pelage envahi de puces. Il pouvait à peine remuer
dans cette gangue étroite, mais il réussit toutefois à bouger suffisamment les
mains pour planter ses ongles dans ses coudes et ses épaules. Un cri de
surprise et de douleur se répercuta alors dans ses poumons et contre les parois
du roc, résonnant si atrocement à ses tympans qu’il se tût et grinça des dents
avant de cesser de remuer pour se concentrer davantage sur ce que ses doigts
rencontraient dans le noir. Il passa d’abord la main sur son coude gauche, et
sentit à la place de la tête du cubitus, l’épicondyle, une étrange serre de
métal froid qui avait transpercé sa chair. Il demeura un moment les doigts
refermés sur cet appendice, puis de son autre main, palpa son autre bras. Il y
fit la même découverte.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Ses coudes, ses épaules, ses phalanges et jusqu’à ses genoux présentaient
des excroissances métalliques similaires. Déstabilisé, il se demanda s’il
s’agissait d’un prolongement de ses os ou bien de sortes de griffes poussées là
du jour au lendemain. Wayland se tordit dans tous les sens, hurlant et donnant
des coups de pied et de poing contre les parois minérales qui l’entouraient. La
catastrophe, la découverte de son emprisonnement et, à présent, ce phénomène
inattendu, tout cela était trop pour lui. Il s’époumona tant et si bien qu’il
finit par perdre connaissance.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Á son réveil, encore plusieurs heures plus tard, il était en proie à une
faim terrible et à de violentes douleurs dans les os. Tentant de détendre sa
colonne vertébrale, il s’aperçut qu’il avait du mal à se coucher à plat dos.
D’autres petits appendices métalliques en forme de becs d’aigle descendaient le
long de ses vertèbres, de la septième cervicale à la sixième dorsale.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Wayland McKeen se fit soudain l’effet, au fond de son désespoir, d’être
devenu un animal préhistorique et il comprit enfin pourquoi l’Expérience
Kentrosaure s’appelait ainsi.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Suivant sa faim et son instinct, il se mit à jouer des poings et des
coudes contre la paroi. Le métal était si dur qu’il entamait la roche,
produisant de petites étincelles désagréablement aveuglantes. Wayland entreprit
sérieusement l’assaut des blocs de pierre qui l’entouraient et, grâce à ses
serres, dégagea peu à peu un boyau qui, suivant l’endroit d’où lui parvenait
l’air qu’il respirait, devrait le mener à l’extérieur.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il creusa avec tant de rage qu’il s’épuisa rapidement et dût renouveler
ses efforts à de nombreuses reprises, alternant avec des périodes de repos au
cours desquelles il perdait quasiment connaissance et faisait des rêves
étranges de forêts, de lacs et d’épées, dans lesquels il parcourait à cheval des
paysages et des contrées qu’il ne reconnaissait pas et qu’il oubliait
totalement sitôt qu’il se réveillait. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Lorsque le premier rayon du soleil réussit à filtrer dans le boyau
rocheux foré par Wayland McKeen, il lui brûla cruellement la peau et le força à
fermer un long moment les paupières. Serrant les dents, il se sentit comme une
larve restée trop longtemps à l’abri de la lumière. Le roc s’éboula enfin et
laissa l’homme se relever et se tenir debout à la surface de la Terre. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Et quelle surface ! Aride, désolée, des étendues de désert ocre et
rocailleux à perte de vue, et un soleil implacable, incandescent, blanc et
pourtant rouge, se détachant sur un firmament éblouissant de brume pâle.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
La silhouette de McKeen se découpait contre le ciel, telle celle d’un
géant au sommet du tertre qui l’aurait vu naître. Grand, puissant, son corps
uniquement couvert de ses étranges griffes métalliques. Il soupira de tristesse
et de regret à la vue de ce néant qui remplaçait le monde.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Presque aussitôt, mu par son instinct, il se mit en quête de quelque
chose dont il pourrait se nourrir : il n’était plus temps de désespérer
mais de survivre. Il arpenta quelques kilomètres carrés, ne trouvant pas même
une ruine, pas un débris ou une poussière d’objet lui indiquant qu’une civilisation
avait prospéré ici avant que la Terre elle-même ne l’anéantisse.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
A bout de forces, affamé, abattu par le soleil qui ne déclinait pas, il
tomba d’inanition.</div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center; text-indent: 35.4pt;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Des mois s’étaient écoulés depuis la renaissance de Wayland McKeen. Il
n’avait pas retrouvé beaucoup de vestiges du monde qu’il avait connu, en dehors
d’une sorte de bunker sous-terrain aménagé, découvert non loin de l’endroit
d’où lui-même était sorti de terre. C’est là qu’il avait déniché le coffre et
les tablettes. Il y avait également dans cet abri des réserves de nourriture et
quelques vêtements. Wayland les usait rapidement compte tenu de ses appendices
métalliques, mais il s’en accommodait.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Lors de l’exploration de Terre, il lui arrivait parfois de tomber sur des
cadavres d’animaux, et à quelques reprises de dépouilles humaines, dont il ne
restait que quelques os et des lambeaux de chair. Il pensait donc ne pas être
seul mais, excepté des insectes et des reptiles, il n’avait encore rencontré
aucun être vivant. Une espèce inconnue de baies vertes et rouges croissait dans
le désert : Wayland s’en nourrissait, ainsi que de sauriens, lorsque ses
pérégrinations le conduisaient trop loin du bunker, mais il ne savait pas si
elles étaient réellement comestibles, étant protégé du poison par les mutations
qu’on lui avait fait subir.</div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center; text-indent: 35.4pt;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
La date en est inconnue, mais un jour mémorable se leva nonchalamment sur
Terre. Wayland crapahutait dans les montagnes acérées qu’avait créées
l’explosion partie des Horse Latitudes, lorsqu’il aperçut un objet scintillant
qui filait à travers le ciel où, pour une fois, se dégageait une nappe azurée.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
McKeen n’en croyait pas ses yeux : il s’agissait d’un vaisseau
spatial. Il le vit larguer une petite capsule au-dessus du bunker et repartir.
Beaucoup de choses lui avaient paru tenir de l’imaginaire, de la divagation, de
l’impossible, lors de sa vie d’avant. Mais à présent, n’importe quoi valait
mieux que le désert qui l’entourait.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Et il rentra précipitamment au bunker. Et il y trouva quelque chose
d’encore plus étrange que tout ce à quoi il avait pu songer.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
L’extra-terrestre était belle, sa peau de statue était d’un intense bleu
turquoise, et elle venait en paix.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Wayland ne s’étonna guère lorsqu’elle lui apprit que ceux de son peuple
l’avaient envoyée là pour créer une espèce nouvelle avec « l’homme aux os
de métal » et repeupler, reconstruire <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Terre</i>.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Et il apprit à la connaître, à la protéger et à l’aimer. Elle lui
enseigna les coutumes et l’histoire de sa race, et lui celles des humains qu’il
avait connues. Ils vécurent sur les ruines de notre monde et firent des
enfants. Quatre enfants leur naquirent, qui grandirent et arpentèrent en jouant
avec insouciance la surface désertique de ce nouveau monde dont ils pensaient
sans le savoir être les rois… jusqu’au jour où l’un d’eux fut retrouvé à moitié
dévoré et qu’ils ne furent plus que trois.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Alors, Wayland repartit en quête de ces survivants qui semaient des
carcasses. Sa rage le porta nuit et jour, sa tristesse devant la perte de ce
nouvel enfant, faisant écho à celle qu’il ressentait encore pour la perte de sa
famille humaine, le guida à travers les chemins poussiéreux de Terre. Et un
soir il les trouva. Ceux qui, comme lui, avaient survécu au titanesque séisme.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Mais ils n’étaient pas comme lui : ils étaient sortis de terre irradiés,
et déjà morts. Et morts ils continuaient de vivre, et de se nourrir de tout ce
qu’ils trouvaient de vivant.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Wayland se rappela du passé, de ces films d’horreur qu’il s’amusait à
regarder lorsqu’il était gamin, des comics narrant des scénarios terribles
d’invasions de morts-vivants, de populations terrestres réduites en esclavage
par des créatures venues d’ailleurs. Loin de la science-fiction, il se remémora
ensuite l’expérience de 1957 : la cellule zombie injectée de silice qui
pouvait survivre aux températures extrêmes et à la destruction et poursuivre sa
vie tout en étant morte. Puis il se remémora l’épidémie, ce long calvaire qui
s’était étendu sur toutes ces années. Cela faisait si longtemps qu’il n’avait
pas lu de livres d’anticipation, ni vu de films d’horreur, et aujourd’hui,
telles un essaim d’insectes grouillants, ces créatures, autrefois inventées,
finalement crées et aujourd’hui encore bien réelles, ces immondices qui avaient
résisté au souffle puissant et purificateur des quatre cavaliers – car c’était
cela qu’avaient été les points d’explosion, il le sentait, il avait eu le temps
d’y penser dans son repaire, il avait rencontré le lieutenant Reiko Morrison
dans les années 70 et se souvenait de sa force exceptionnelle et des lueurs
argentées qui transparaissaient sous sa peau, il se souvenait de Doug et de son
épée, Doug qui l’avait pris en stop avec le petit Terry, lorsqu’il marchait
vers le nord avec sa femme et ses enfants, et il y en avait eu d’autres comme eux, des chevaliers, il le savait, et il avait fait le rapprochement ça lui était revenu quand
il avait découvert le coffret et déchiffré les tablettes – ces immondices,
donc, le regardaient, se dirigeaient vers lui, de leur pas traînant et
implacable de cadavres mouvants, accompagnés de ces borborygmes qui
caractérisaient immanquablement leurs apparitions lorsqu’ils n’étaient encore
que de distrayants personnages fictifs dont la troublante existence cessait une
fois le poste éteint ou le livre refermé, et qui au bout du compte avait fini
par ne jamais cesser.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Et Wayland, contre ses propres attentes, ne recula pas, il se battit
contre eux. De ses appendices de métal il déchiqueta des chairs putréfiées,
arracha des crânes aux orbites vides et pourtant douées de vision. Il en
abattit cinq, puis dix, puis cent, mais toujours il en venait, plus nombreux,
plus horribles, à croire que la totalité de l’humanité survivante s’était
réveillée zombie, à moins que l’humanité ait été détruite et que seuls ceux qui
étaient zombies aient survécu : le sacrifice de la Terre avait été
inutile… et il dût battre en retraite.</div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center; text-indent: 35.4pt;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Lorsque Wayland McKeen atteignit son bunker, ce fut pour apercevoir le
vaisseau d’argent qui s’en allait, emportant sa femme et les trois enfants
encore vivants que lui avait apportés cette seconde existence. Il le vit
scintiller dans les cieux ocre et blanc, filant vers le soleil rouge, et quand
il se retourna, du haut de la crête rocheuse qui surplombait sa cache, il
aperçut les hordes qui venaient vers lui, des flots de cadavres dont les pas
pesants et trainards soulevaient la poussière du désert…</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Ouvre-toi ! Mais ouvre-toi ! » hurla-t-il,
enfonçant ses griffes dans l’interstice qui soulignait la serrure de la boîte
et pressant sur elle de toute la puissance de ses muscles de mutant. <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Memento quia pulvis es</i>, annonçait,
omineux, le couvercle. Mais Wayland n’avait pas peur de ce que contenait le
coffret, Wayland voulait redevenir poussière, il voulait que tous retournent à
la poussière, il tenait enfin le Graal entre ses doigts. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« OUVRE-TOI !!! » hurla-t-il encore avant que le boîtier
ne cède et qu’une lumière aveuglante inonde le désert, soufflant tout sur son
passage à la manière d’une marée de flammes.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div align="right" style="text-align: right;">
<b><i>FIN </i></b></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: black;"> -
Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
</div>
<div style="text-align: center;">
<br />
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/qp9dc9im3-M" width="420"></iframe>
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b> </b></span></span></i></div>
<i><span style="color: black;"> </span> </i>Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-44397517076369939412015-02-24T19:28:00.000+01:002015-02-24T19:28:00.132+01:00Chapitre VI : Epilogue (partie 1)<!--[if gte mso 9]><xml>
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<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
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<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Tentant de toutes ses forces d’écarter le couvercle du petit coffre de
basalte qu’il avait si longtemps préservé, réservant cet ultime recours pour le
moment où il en aurait réellement besoin, Wayland McKeen hurla de rage.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
En cet instant de panique il lui semblait voir sa vie défiler à toute
allure devant ses yeux, en parallèle avec l’image de la boîte sur laquelle ses
forces et son attention étaient fixées. L’arme absolue se trouvait dans ce
coffret, d’après ce que les tablettes gravées lui avaient appris, et cette
boîte idiote choisissait justement ce moment pour lui résister.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Wayland McKeen s’était lui-même surnommé « le dinosaure ».
Wayland McKeen avait été le seul survivant de notre monde, la civilisation
telle que nous la connaissons l’avait laissé pour mort, livré à lui-même dans
le désert aride d’une Terre post-apocalyptique. Quoique d’apocalypse il n’y ait
réellement point eu, du moins pas au sens où on l’entendait… Wayland pensait
souvent à sa famille, à son épouse et à ses deux enfants. Il se remémorait
leurs visages, il les revoyait dans la lumière de sa mémoire, de purs clichés,
comme dans ces films à l’eau de rose qu’il méprisait tant à l’époque : sa
femme, blonde et éthérée, ses longs cheveux flottant dans une douce brise, lui
souriait au cœur d’un rayon de soleil qui la nimbait d’or pâle telle une
nymphette de David Hamilton, tandis que ses petits venaient tendrement se jeter
dans ses bras et qu’il les faisait virevolter dans l’air printanier, sous une
douce neige de fleurs d’amandier, leur rire cristallin s’élevant dans le bleu
d’un ciel sans nuages. Toute sa vie passée s’était résumée à une unique pensée,
à un but singulier : les protéger, assurer leur survie dans une société de
plus en plus hostile qu’il regardait avec angoisse se dégrader davantage chaque
jour.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
C’est pour cette raison que lorsque l’armée avait annoncé qu’elle
cherchait des cobayes pour « L’Expérience Kentrosaure » — une
manipulation génétique visant à modifier l’organisme afin de le rendre plus
résistant aux coups, aux blessures à l’arme blanche, aux blessures à l’arme à
feu, au vieillissement et aux poisons, Wayland s’était porté volontaire. Il
avait pourtant une sainte horreur des manipulations génétiques et des
expériences visant soi-disant à améliorer la condition humaine, mais qui en
réalité servaient à exploiter les masses populaires, à augmenter leur folie et
leur dépendance, et à renflouer les caisses des états et de certains de leurs
dirigeants. Il se souvenait encore de ce jour d’été de 1957 où, encore
adolescent, prenant une pause au milieu de sa journée de travail dans la ferme
de son père qu’il aidait pendant les vacances, il était tombé sur un article
annonçant que l’on avait réussi à faire vivre une cellule zombie : selon
l’article, des scientifiques avaient récupéré une cellule organique morte et
l’avaient traitée, avec notamment une solution à base de silice, de manière à
ce que, tout en restant en l’état, elle continue à assurer les fonctions
qu’elle effectuait de son vivant. « Pourquoi ? » s’était-il
demandé. « Pourquoi s’escrime-t-on à faire revivre une cellule morte alors
que nous disposons des moyens de faire survivre une cellule
vivante ? » Il n’avait pourtant pas été vraiment surpris car en tant
que mordu de science-fiction, les expériences étranges, les découvertes
improbables et les vies extra-terrestres lui semblaient du domaine du probable.
Pour la cellule zombie, il avait été question d’une supercherie et de nombreux
journalistes de la presse dite underground s’étaient posé la question :
était-ce vrai ? Si c’était vrai, pourquoi n’en parlait-on pas aux
infos ? Et nombre de questionnements qui n’avaient jamais vraiment trouvé
de réponse. Wayland ne s’était pas posé la question longtemps, pour lui, dans
l’esprit des puissants, tout ce qui favorisait l’ignominie et le néant, la
dégradation, l’aliénation et l’exploitation – imaginez des ouvriers morts mais
vivants qui travailleraient gratuitement, ne se plaindraient pas, seraient
remplacés comme des pièces automobiles – était du domaine du possible.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Mais d’un autre côté, si ces procédés pouvaient l’aider lui à protéger
ceux qu’il aimait, il était prêt à tenter le coup pour ce qu’on appelait donc
l’Expérience Kentrosaure. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il n’était rien ressorti de ces mois passés à ingurgiter des métaux
divers sous forme de dosettes qui n’avaient d’homéopathique que leur apparence.
Absolument rien hormis une jeunesse conservée inhabituellement longtemps, qui
faisait qu’à plus de soixante-dix ans au moment de « la fin », il en
paraissait toujours quarante : un bel homme dans la force de l’âge, d’une
endurance et d’une résilience hors-normes – qui ne l’intriguaient pas vraiment
car il avait toujours été d’une constitution puissante, même avant son
traitement – ce qui lui avait été bien utile pour les nombreux déplacements de
foules visant à fuir les zones contaminées, durant lesquelles il avait dû venir
en aide non-seulement à ses proches mais aussi à de nombreux autres rescapés.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
N’ayant remarqué rien d’autre que cette inhabituelle lenteur à vieillir,
lorsque la catastrophe s’était produite, Wayland s’était attendu à mourir. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Non, cela n’avait pas été — malgré les nombreux conflits qui souillaient
le globe — la bombe atomique, ni aucune autre arme de destruction massive
pensée par les humains, ni une catastrophe climatique, pas même la fameuse
cellule zombie qui avait pourtant réduit la presque totalité de l’humanité à
l’état de masse mort-vivante.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Simplement, un beau matin de janvier 2017, alors que l’épidémie zombie
qui s’étendait depuis plus de soixante ans avait, malgré les efforts déployés
pour l’endiguer, contaminé plus de neuf dixièmes du globe, la surface de la
terre s’était fendue le long du 102<sup>ème</sup> méridien ouest, et
simultanément selon la ligne de l’équateur, entre celui-ci et les deux
tropiques, à l’endroit où s’opérait habituellement la convergence
inter-tropicale. Il y avait eu une grosse explosion lumineuse, un souffle
inexpliqué, déclenché par quatre sources distinctes placées plus ou moins le
long des lignes et qu’on n’avait pas eu le temps d’identifier. Et ainsi, de
haut en bas, des secousses sismiques monstrueuses et des déferlements de lave
et de magma avaient ébranlé la planète, vaporisant les océans et fissurant les
terres, ne laissant même pas à ses habitants quels qu’ils soient le temps de
réaliser ce qui se passait. Au beau milieu de la catastrophe, Wayland avec les
quelques rares centaines d’autres victimes qui n’avaient pas encore été
contaminées par les zombies avait été englouti dans une faille et s’était cru
mort… jusqu’à son réveil.<br /><br>
</div>
<div align="right" style="text-align: right;">
<b><i>à suivre... </i></b></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: black;"> -
Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/lFN-0GLoMyE" width="420"></iframe>
<i><span style="color: black;"> </span></i><br />
<i><span style="color: black;"> </span> </i></div>
Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-75824387043663022512015-02-23T19:28:00.000+01:002015-02-23T19:28:00.035+01:00Chapitre V : 2017 (partie 2)<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhCRf7R69A6AwP57XudcoVN7zV_ZRrwjanzucSJc1J8wRv_OrZVzKP7h8PpWT3q2dU3kFGuGItrt-XbhoXL8y5W1CaYySixIVkTVZMJh_18EudlEQTMZs8MLqpTDDPtdDbOMZx2VpEyh8uA/s1600/stl_zombies_016.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhCRf7R69A6AwP57XudcoVN7zV_ZRrwjanzucSJc1J8wRv_OrZVzKP7h8PpWT3q2dU3kFGuGItrt-XbhoXL8y5W1CaYySixIVkTVZMJh_18EudlEQTMZs8MLqpTDDPtdDbOMZx2VpEyh8uA/s1600/stl_zombies_016.jpg" height="320" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
L’adolescent
tourna la tête vers la fenêtre, scrutant l’air nocturne avec un sourire : </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Julie !
C’est Julie ! annonça-t-il tout content. J’y vais ! </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Sûrement
pas ! gronda Reiko.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
La tignasse
blonde et bouclée du jeune homme s’immobilisa et il tourna lentement son regard
vers la femme, les fossettes qui ornaient ses joues disparurent avec son
sourire tandis que ses parents poussaient un soupir désolé.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Je vais voir,
vous restez là, ordonna fermement Reiko.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Elle se dirigea
vers la porte d’entrée et ouvrit. Une toute jeune fille aux longs cheveux
châtains se tenait dans l’allée près de la boîte aux lettres. Elle portait une
chemise en flanelle rouge et noir à carreaux et un jean déchiré taillé en
bermuda par-dessus des collants noirs et aux pieds de vieilles rangers
également noires. Elle souriait aimablement en direction de la maison, ses
lèvres étaient maquillées d’un joli rouge.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span lang="DE" style="mso-ansi-language: DE;">— Julie ? demanda Reiko.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Julie fit un
petit signe de la main, ce fut suffisant à son interlocutrice pour définir son
état, mais Cory s’était déjà précipité vers sa petite-amie qui tendait les bras
pour le recevoir.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Non !
rugit Reiko s’interposant entre eux juste à temps pour réceptionner Julie dans
ses bras et pousser le jeune dans la pelouse où il tomba lourdement à plat
ventre. Tout en se redressant, il entendit un craquement hideux tandis que sa
protectrice brisait les vertèbres de la jeune fille.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Tu vois !
dit-elle à Cory alors qu’elle maintenait le corps inanimé de Julie contre elle,
le soutenant avec une étrange tendresse et un respect qui contrastait avec la
brusquerie dont elle venait de faire preuve : tout l’arrière de la tête est
défoncé, et le dos aussi est en putréfaction. Ils sont malins, ils peuvent
encore vous cacher ce qu’ils sont lorsque c’est comme ça. Elle se serait
tournée, tu aurais su…</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Reiko secoua
avec application le cadavre et la tête de Julie, et la matière autrefois grise
se répandit sur la pelouse avec un bruit de tomates pourries.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Cory était
consterné, et ses parents, restés sur le seuil de la maison, regardaient la
scène d’un air désolé. Le monde était comme ça maintenant. C’était la fin d’une
civilisation qu’on avait tenté de faire durer malgré tout et qui était à
présent usée jusqu’à la corde.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ils avaient
longtemps pensé que ça viendrait d’autre chose : les guerres tuaient assez
de monde depuis toujours, les conflits, la folie, le manque d’amour que les
humains avaient pour eux-mêmes. Mais non, ç’avait été les zombies. Et comme
cela avait été long et insidieux durant ces soixante dernières années…</div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Les pales du
vieux BELL 429 produisaient un vacarme assourdissant. Cory était assis à côté
du Révérend Manning et ses parents se tenaient en face d’eux. Une petite armada
d’hélicoptères était venue les chercher, eux et les autres survivants que le
Révérend cachait dans son église. C’était amusant, avait pensé le jeune homme,
de voir ce petit groupe d’humains, de tous âges, sexes, nationalités,
obédiences, attendant sagement qu’on vienne les emporter dans les airs. C’était
comme l’arche de Noé. Seuls quelques-uns savaient ce qui se passerait. Évidemment, Reiko était restée en bas. Il savait qu’ailleurs,
Rosemary, Doug, et Terry – qui avait survécu avec son protecteur et était
devenu un homme, un guerrier lui aussi – étaient aussi quelque part en bas, en
train d’attendre. Les derniers militaires étaient arrivés peu avant et
n’avaient pas perdu de temps pour faire monter tout le monde dans les
hélicoptères, on aurait dit un essaim de machines qui commençait sa migration.
Il y avait un homme étrange assis avec eux, un jeune homme avec un magnifique
visage aux contours parfaitement ciselés, aux pommettes hautes et saillantes, aux grands yeux très clairs, presque transparents tellement ils étaient
clairs, qui brillaient sous sa frange brune. Il était grand et mince quoique
son corps semble puissant, et il irradiait une sorte de lumière. Il regardait
Reiko en bas, et souriait calmement dans sa direction, d’une bouche parfaite
elle aussi. Il souriait à Reiko, comme ça, de loin, paisiblement, malgré les
hordes de zombies qui accouraient vers elle. Reiko savait ce qu’elle avait à
faire. Elle brillait beaucoup aujourd’hui, songeait Cory, sa peau étrange
revêtait enfin son éclat au grand jour. Sa lumière ressemblait un peu à celle
qui émanait de cet individu dans l’hélico. Il aurait aimé savoir ce que pensait
et ressentait Reiko à ce moment même, elle qui savait bien, malgré ce qu’elle
essayait de faire, qu’elle ne pourrait jamais être à tous les endroits à la
fois pour protéger et sauver tout le monde. Il se demandait si elle était
frustrée, résignée, ou si elle pensait finalement, après ces années de lutte,
comme le Colonel Bluehorse, que chacun avait son chemin à accomplir et que
c’était le destin. Il se remémora les histoires incroyables que le vieil Indien
Cree lui avait narrées : des histoires comme quoi toutes les choses de la
Terre avaient une âme, que tous étaient les cellules d’un même Grand Esprit,
que la magie de la Terre courait aussi dans ses veines, dans les animaux, les plantes, les montagnes, les océans, dans le ciel, les
éclairs, les nuages et au-delà, que l’infestation n’était qu’une épreuve parmi
toutes celles qui avaient jalonné l’histoire de l’humanité, un test, une leçon,
que les gens dans les vaisseaux savaient, mais que c’était à chaque zombie chez qui subsistait une étincelle de vie de
trouver en lui la réponse, et à chaque humain resté humain, de faire pareil,
mais que tout ça lui serait expliqué en temps voulu, si jamais la solution
n’était pas trouvée assez vite. Bluehorse avait vu tout de suite que Cory ne le
croyait pas, alors il n’avait pas insisté, et il avait gentiment penché vers
lui sa longue chevelure noire nattée où pendaient toujours quelques plumes
d’aigle : « Un jour tu te souviendras de ce que fait Rosemary, et de
ce que fait Reiko, et tu laisseras tes dons te guider toi aussi ».</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Cory se sentit
triste. Il regarda ses parents, qui lui souriaient, et serra la main du
Révérend assis à côté de lui. Otis Manning l’avait intimidé depuis leur
première rencontre. Il était très grand et très carré, vraiment imposant, sa peau était noire, et
il était constamment souriant, et d'un calme extrême. Ce calme perturbait toujours un peu Cory,
lui rappelant ce fameux adage, <i>le calme avant la tempête</i>. Sentant que
Cory avait besoin d’être rassuré par quelques explications, il lui apprit que
le jeune homme étrange était connu d’eux sous le nom de Gabriel et qu’il était
ce qu’on pouvait appeler la moitié de Reiko – ou peu importait son nom humain –
et que tous les êtres vivants avaient une moitié comme ça, mais que peu s’en
souvenaient pour le moment, et il lui dit aussi que Reiko n’avait pas encore
terminé son apprentissage et que c’est pour cela qu’elle restait en bas, tout
comme lui, Cory, devrait redescendre bientôt, puisque sa formation était
pratiquement achevée, pour aider à reconstruire. Les parents de Cory semblaient
à la fois abasourdis et étrangement sereins, comme s’ils ne réalisaient pas
qu’ils étaient en pleine apocalypse et qu’on leur annonçait un programme
dépassant l’entendement humain. Gabriel regardait toujours en bas, et Reiko
irradiait de plus en plus, elle avait épuisé ses munitions et se battait
désormais à mains nues contre les zombies qui commençaient à la submerger. Si
elle s’était trouvée à bord de l’hélicoptère avec eux, elle aurait remarqué que
le visage de cet être lumineux était le même que celui de Nick et elle se
serait souvenue. Mais pour le moment elle devait achever sa mission, et
d’ailleurs Cory la soupçonnait de ne plus penser, de se battre comme une
machine prête à exploser. Il regarda vaguement Gabriel et se dit qu’on appelait
peut-être ces créatures des anges selon certaines croyances, il pensa à ce que
le Révérend lui avait dit, et au Colonel Bluehorse, et imagina que Doug et les autres aussi, devaient
jouer la même scène, chacun dans son coin du monde ou de ce qu’il en restait. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ils vaincraient,
il l’espérait, il ne voulait pas revenir pour se battre comme eux, il ne
voulait pas être un chevalier, même s’il avait suivi cette formation. Il se
rendait compte en cet instant qu’en réalité il ne savait rien, qu’il avait
toujours rejeté ces évidences bizarres avec incrédulité et qu’il ne saurait pas
comment en faire sa vraie vie. Il voulait une vie normale, il voulait la paix,
il ne voulait pas être leur Galaad, celui qui reviendrait après que les quatre chevaliers qui renaissaient sans cesse sous ces formes diverses, Lancelot, Perceval, Gauvain et son fils
Gingalain, auraient échoué. Il se mit à prier pour qu’ils réussissent à sauver
le monde, mais il se demanda où se trouvait celui qui était Arthur.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Soudain, alors
qu’ils étaient très haut et que Reiko n’était plus qu’un petit point de lumière
entouré de milliers de points sombres, son rayonnement s’intensifia. Très
rapidement, il y eut une montée de lumière qui irradiait autour du noyau formé
par Reiko dans un brouhaha d’ouragan qui ressemblait au bruit des vagues
déchaînées pendant une tempête, une sorte de poussière lumineuse monta vers le
ciel, puis une explosion au son étouffé qui souffla tout sur son passage… et
Cory fut aveuglé par une masse étrange qui se découpa au-dessus de
l’hélicoptère. C’était comme si une forme transparente se décollait du ciel
au-dessus d’eux et prenait corps au milieu des nuages et du ciel bleu,
traversée par les rayons du soleil, irradiant la même lumière que Reiko mais
incommensurablement plus puissante. Ses yeux s’habituèrent peu à peu et il
distingua comme le dessous d’un vaisseau aux formes rappelant celles d’une baleine
géante, un immense vaisseau dont il ne voyait pas les limites, plus grand qu’un
porte-avion, plus grand que dix stades de foot, plus grand qu’un village ou
qu’une petite ville.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« On rentre
à la maison, » dit Gabriel d’une voix douce.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="right" style="text-align: right;">
<b><i>à suivre... </i></b></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: black;"> -
Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
</div>
<div style="text-align: center;"><br>
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/BcdF-PhdM1M" width="420"></iframe>
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b> </b></span></span></i></div>
<i><span style="color: black;"> </span> </i>Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-67664382531991392062015-02-22T19:28:00.000+01:002015-02-22T19:28:00.050+01:00Chapitre V : 2017 (partie 1)<!--[if gte mso 9]><xml>
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<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
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<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<i style="mso-bidi-font-style: normal;">Ils arrivent, je les entends. Ma jambe me fait atrocement mal.
Impossible de remonter… et tant mieux, au moins ils mettront un peu plus de
temps à m’avoir… Dieu qu’est-ce que je suis venu faire dans cette baraque. J’ai
peur, j’ai peur… il ne fallait pas sortir… Pourquoi suis-je si curieux,
pourquoi…</i></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<i style="mso-bidi-font-style: normal;">Mon Dieu, un frôlement… ils respirent !
Ils respirent derrière moi… Maman… Maman !</i></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Cory Eric Peters
se recroquevilla et pressa fort ses paupières afin de ne pas voir l’horreur
s’abattre sur lui.</div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Maman ?
Maman, tu es venue me chercher ?</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Shh, je ne
suis pas ta Maman. Attrape mon bras, Cory.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Sans réfléchir,
le gamin entoura de ses bras le cou de celle qui avait parlé, à l’aveuglette,
dans le noir, il put seulement sentir qu’il s’agissait d’une femme. Il fut
abasourdi lorsqu’elle le souleva, il se sentait léger comme une plume, plus
léger qu’il ne s’était jamais senti, même lorsqu’il n’était encore qu’un bébé,
il y a une dizaine d’années. Mais les renâclements des monstres le tirèrent de
ses pensées. Elle le serra plus fort, d’un seul bras, tandis que de sa main
libre elle s’agrippait au mur. Il se sentit grimper. Un instant il eut l’impression
d’être transporté par Spiderman. L’inconnue rampait le long de la paroi telle
un lézard, agile, silencieuse, peut-être difficile à repérer pour les
créatures. Ses longs cheveux étaient froids, sa peau aussi, semblait froide,
dans le cou où le gamin avait immédiatement enfoui son visage, en un réflexe de
protection. Un instant, il eut très peur, peur qu’elle soit des leurs, qu’elle
soit venue le prendre, pour le leur livrer. Mais elle n’avait rien de commun
avec ces horreurs, elle sentait bon, et il se trouvait tellement rassuré dans
ses bras, et après la première impression, on aurait finalement dit que sa peau
chauffait. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Même ses parents
ne réussiraient pas à le rassurer autant, il les savait vulnérables en cet
instant, à la merci des troupes implacables. Il aurait voulu qu’elle aille les
chercher, eux aussi.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— J’irai, je te
le promets, mais je dois d’abord te mettre en sûreté.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Elle avait lu
dans ses pensées… Cory resserra son étreinte comme ils débouchaient dans la
pièce qui servait autrefois de salon. Il n’ouvrit pas les yeux, il avait trop
peur. Il connaissait par cœur le décor de la pièce. Le décor de la maison. Les
tapisseries victoriennes passées, déchirées, rongées et décolorées par le
temps, derrière lesquelles se dissimulaient les cafards et la vermine, les
bardeaux de bois délabrés, le jardin étrange envahi d’herbes folles, et les
pierres tombales brisées, au fond, vers la clairière, où pour se faire peur il
s’amusait à imaginer que la nuit rôdaient des vampires. Ce manoir en ruines
abritait ses jeux d’enfant solitaire et taciturne depuis que lui et sa famille
avaient emménagé près de Bangor. Á présent il n’avait plus besoin d’imaginer
des choses pour se faire peur : les choses qui faisaient peur étaient
vraiment là, et c’était loin d’être des créatures aristocratiques et
mystérieuses comme les vampires.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
—
Reuaaaaaaaahhhrrhhhh…</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Les grognements
lancinants, les bruits de pas traînants sur le parquet grinçant, les chocs
sourds des chutes sur les revers des tapis mités, le firent frissonner de tout
son être. Elle dût sentir son petit corps se crisper car elle le serra plus
fort et dit :</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Surtout
accroche-toi, et n’ouvre les yeux sous aucun prétexte !</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il eut
l’impression d’être emporté par un ouragan, elle se mit à courir, et il sentit
qu’elle traversait la pièce, le couloir, la demeure entière de part en part, le
bruit de ses bottes résonnant comme des coups de boutoir au milieu des autres
qui rampaient, traînant la savate. C’était comme s’il sentait l’air le
fouetter, comme s’ils couraient dehors en plein vent, tellement elle allait
vite à travers l’enfilade de pièces en ruines. Il entendait les bruits, les
borborygmes, il sentait les mains avides qui se tendaient vers eux, qui
accrochaient parfois ses bras, ses cheveux, la puanteur âcre, insoutenable,
mais il percevait la contraction des muscles puissants de celle qui le portait.
Elle fonçait dans le tas sans s’arrêter une seconde, brisant sous ses coups
d’épaules d’autres épaules, bousculant des corps qu’elle envoyait bouler et
s’écraser contre les murs du couloir, et elle courait, vite, puissamment, elle
l’emportait loin de tous ces morts. Comme elle le lui avait demandé, il
n’ouvrit pas les yeux, mais il se sentit soulagé lorsqu’il reconnut le bruit
des talons claquant sur les marches du perron.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Après quelques
pas dans l’allée, elle se retourna face à la bâtisse, prit quelque chose à sa
ceinture et le lança.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Cory eut le cœur
gros en percevant l’explosion, si forte que le souffle chaud les repoussa de
plusieurs mètres et que le bruit lui enleva pendant de longues secondes la
faculté d’entendre. La cachette qui avait abrité ses secrets et ses rêveries
depuis sa plus tendre enfance ne serait plus. A cause de ces monstres, de ces
choses horribles qui avaient commencé à envahir la ville un mois auparavant. Il
se sentait comme un enfant, comme un tout petit enfant : depuis l’arrivée
des créatures il avait eu l’impression de régresser, de redevenir le gamin de
maternelle craintif dont les parents ne voulaient pas qu’il regarde les infos
où des images de l’invasion étaient constamment diffusées. Il ne se
reconnaissait plus, il voulait juste se recroqueviller au fond d’un trou où
aucun zombie ne le trouverait. Il voulait juste redevenir un fœtus dans le
ventre de sa mère et ne rien savoir.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Ne pleure pas,
Cory, quand tout sera fini, je reviendrai, et je reconstruirai ce que j’ai
détruit, ou du moins j’essaierai d’aider à reconstruire.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
C’était il y a
six ans, et en fait rien n’avait été fini, et Reiko n’avait pas pu endiguer
l’invasion du Maine et les avait emmenés avec elle vers le nord, vers la
fameuse enclave où des réfugiés avaient reconstitué un semblant de vie, une vie
barricadée dans un fort de métal et de glace, une vie sans cesse à la merci de
l’arrivée des créatures mais une vie quand même, où on parvenait parfois à
oublier l’extérieur et le danger, où on se prenait de nouveau à espérer. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il y avait connu
d’autres gens, d’autres jeunes comme lui dont on poursuivait l’éducation et la
formation en attendant que les choses s’arrangent, ou pas. Il avait grandi, il
avait suivi un entraînement spécial avec un autre gamin qui s’appelait Terry et
qui était arrivé là en même temps que lui avec son père Doug, son chien, et un
grand gaillard appelé Wayland qu’ils avaient pris en stop et qui ressemblait à Wolverine. Il y
avait plein de types de l’armée, plein d’armes et de matériel, des provisions,
des instructions. Il y avait même une grand-mère étrange, Rosemary, qui
soignait les gens en appliquant ses mains sur leurs blessures et leurs douleurs
et qui leur donnait des cours.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Parfois, on les
faisait rentrer dans une salle spéciale, sous la terre, dont les parois étaient
étayées de structures métalliques semblables à des grilles d’argent, et ils
entendaient de grands bruits étranges, comme des sortes de moteurs dont le
timbre ressemblait en fait à un long cri de baleine. Ces jours-là, seuls
quelques militaires, comme le vieux Colonel Bluehorse, et quelques anciens
comme Rosemary, avaient le droit de monter rencontrer les pilotes de ce que
Cory pensait être des avions de guerre ultrasophistiqués. Et lorsque les vrombissements
de moteurs se faisaient entendre, les barres métalliques qui sécurisaient les
caves se mettaient à briller comme des choses vivantes, leur lumière
ressemblait à celle argentée des étoiles.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Un jour que Cory
lui avait posé la question, intrigué par ce qu’il appelait « les bruits de
baleine », le Colonel Bluehorse, qui sécurisait l’enclave depuis une vingtaine d'années, lui
avait raconté des histoires tellement insolites qu’il n’avait pas tout cru, malgré
toutes les bizarreries auxquelles il avait assisté depuis tout le temps qu’il
était dans l’enclave du pôle nord. Puis les choses avaient empiré au-dehors et
Reiko avait dû repartir avec Doug et Rosemary, Terry aussi était parti avec son
père, mais lui, Cory, était resté dans l’enclave avec ses parents et d’autres
réfugiés, et l’armée, et il avait continué sa formation. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il y avait eu
une régression de l’épidémie deux ans auparavant, et les événements avaient semblé
reprendre un tour positif : un jour on leur avait annoncé que c’était bon,
qu’on pouvait repartir et reconstruire ailleurs. Alors ils étaient redescendus
avec d’autres jusqu’au Saskatchewan et s’étaient établis à Estevan, une petite
ville qui n’avait pas été trop touchée, jusqu’à présent.</div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Les parents de
Cory étaient assis dans le salon, chacun sur un fauteuil recouvert de toile
rouge écossaise, de part et d’autre du poste de télé : une vieille
télévision analogique avec un tube cathodique comme on n’en voyait plus depuis
une bonne vingtaine d’années. Les chaînes crachouillaient un vague programme
incompréhensible.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<i style="mso-bidi-font-style: normal;">Bon sang, j’ai l’impression d’être remontée
dans le temps</i>, pensa Reiko. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Les fauteuils,
les tables, les tapis, le canapé, tout le mobilier, toute la maison semblait un
décor de sitcom des années 70.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— On a récupéré
ce qu’on a pu, il n’y a plus grand-chose depuis un bon moment, dit le père de
Cory d’un ton embarrassé, comme si le regard de Reiko avait trahi ses pensées.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Ne vous en
faites pas, je comprends, on reconstruit comme un peut… c’est juste que ça me
rappelle ma jeunesse…</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il regarda
incrédule son visage sans âge tandis qu’elle se remémorait brièvement cette
nuit de 1977 où elle avait dû laisser derrière elle les cadavres de Happy et de
Nick. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Cory était un
jeune homme à présent, quant aux parents, ils avaient pris un bon coup de vieux
entre les événements et le passage du temps. Mais Reiko n’avait pas changé d’un
pouce, elle avait juste l’air encore plus désolée que la première fois, à
Bangor, quand elle avait sauvé Cory dans la vieille maison. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Elle regarda le
gamin - pour elle c’en était encore un malgré ses dix-neuf ans - qui était
avachi sur le canapé. Ses boucles blondes encadraient un visage plaisant aux
joues parsemées de taches de rousseur, et ses yeux noirs suivaient
distraitement les lumières vacillantes sur l’écran de télé. Elle se demanda si
un jour il ressemblerait vraiment à un homme ou s’il garderait ad vitam cette
bouille de gamin. Il portait un pull distendu en laine élimée vert mousse, un
vieux jean et des Vans à damier, qui avaient dû être noir et blanc autrefois.
Elle pensa qu’elle était nulle aux échecs, et elle pensa qu’elle l’aurait en
fait bien vu porter des Converse. C’était amusant de voir que plus de vingt ans
après, l’épidémie de zombies n’avait pas réussi à endiguer cette espèce de
revival grunge qu’elle avait observé chez d’autres jeunes survivants. En même
temps, vu le peu de vêtements dont on disposait encore et l’usage prolongé
qu’on devait en faire, c’était normal de revenir en arrière. Elle sourit
tristement et soupira.<br />
— Je ne peux pas
perdre Cory… et je ne peux pas vous perdre non plus. Dès demain matin je vous
conduirai chez le Révérend Manning qui s’occupe d’autres survivants, et vous
partirez, avec Cory.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
A ce moment-là,
on entendit appeler au-dehors : « Cory ! Cory ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="right" style="text-align: right;">
<b><i>à suivre... </i></b></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: black;"> -
Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i><br />
<br /></div>
<div style="text-align: center;">
<br />
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/a3HemKGDavw" width="420"></iframe>
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b> </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
</div>
<i><span style="color: black;"> </span> </i>Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-31387143224720521432015-02-21T19:28:00.000+01:002015-02-21T19:28:00.301+01:00Chapitre IV : 1967 (partie 2)<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
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<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Jeff appuya de
nouveau sur l’accélérateur comme un beau diable et réussit à faire quelques
mètres, roulant sur quelque chose de mou qui semblait s’accrocher aux roues –
sans doute celui qui rampait sur la plage. Le véhicule patina mais il réussit à
se dégager.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Celui qui avait
saisi la capote continuait malgré tout à s’y suspendre et les autres avaient
grimpé sur le coffre. Jeff essaya de zigzaguer violemment pour les faire tomber
mais rien n’y faisait. La capote offrait beaucoup de prises et ils en
profitaient. La puanteur était insupportable, il avait chaud, il avait peur. Il
aurait voulu qu’on vienne le délivrer de cette abominable nuit, et comme il
rageait, donnant des coups de volant désespérés, la capote se déchira et il
sentit ce qui avait dû autrefois être une main se poser sur son épaule, puis
une autre sur sa tête, puis une autre encore sur son dos. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Bwwwwwwwwwwwaaaaaaaaaaaaaaahhhh »
</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ça ne voulait
rien dire, ça résonnait à son oreille. Une monstrueuse douleur lui déchira
l’épaule. Il hurla et lâcha le volant. La Thunderbird fit des embardées dans
tous les sens, un instant seule à se piloter, comme perdue, puis reprit la
direction de la falaise et s’encastra violemment dans un pin.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Jeff Bellamy, à
travers l’horreur qu’il était en train de vivre, ne sentit pas le choc de
l’accident. La douleur était terrible, l’un des zombies mâchait ce qui lui
restait d’épaule, tandis que l’autre, la fille, tombée sur ses genoux, lui
dévorait le ventre après lui avoir déchiqueté une partie de la cuisse droite.
Il ne voyait pas le troisième, mais son bras gauche le faisait tellement
souffrir qu’il ne se posait pas la question : il savait où il était.
Lui-même n’arrivait même plus à bouger ni à se débattre. Et là, face à lui, à
travers les larmes de souffrance qui brouillaient sa vue, il vit une tête se
hisser. Une tête hideuse, rongée, mais pas encore réduite à l’état de
squelette. Une tête verdâtre, pourrie, où grouillait la vermine et dont
pendaient encore quelques cheveux filasses couverts de fluides morbides. Et au
milieu de ce tableau, des dents, deux rangées de dents qui semblaient lui sourire,
et un éclat à la fois terne et démoniaque au fond des orbites putréfiées. La
chose se hissa au-dessus du pare-brise éclaté : le zombie rampant n’avait
pas été tué lorsqu’il avait roulé dessus, il s’était accroché là et avait rampé
sur le capot défoncé. Il venait vers lui.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Jeff Bellamy
avait fait preuve de beaucoup de courage. Il n’avait vraiment pas envie de
devenir un zombie. Il avait fait son possible pour y échapper durant les
quelques minutes qu’avait duré son calvaire. Quelques minutes qui lui semblaient
des heures. Il hurla une dernière fois et perdit connaissance.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Le soleil se
levait derrière eux, parsemant les flots de paillettes d’argent. Ils étaient
six désormais, face à la mer. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Les
morts-vivants. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Deux d’entre eux
étaient assis côte à côte, en une sinistre parodie de couple d’amoureux, et
semblaient contempler les flots. Un autre, très, très amoché, ondulait dans le
sable à côté d’eux. Il y avait une fille zombie, qui traînait le pied le long
des vagues, marchant sans savoir où aller, son bikini détaché découvrant des
chairs meurtries, sa tête pendant de côté selon un angle presque droit.
Derrière elle, un grand zombie traînait la patte. Les deux allaient et
venaient, comme s’ils se promenaient. Mais en fait ils attendaient. Ils
attendaient que quelqu’un passe et vienne voir, comme l’avait fait Jeff
Bellamy.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Quelque chose en
eux leur disait qu’il faudrait se mettre en route à plus ou moins longue
échéance, mais pour le moment ils restaient là. C’était un bon endroit. The
Devil’s Slide, ça s’appelait.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il y avait une
planche de surf brisée posée près d’eux, et un peu plus haut, sur la falaise,
une voiture encastrée dans un pin.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Jeff Bellamy ne
retournerait jamais à Palo Alto dans sa T-Bird orange. Il ne reverrait pas
Pamela. Il ne reverrait pas ses parents et ne reprendrait pas son travail à la
bibliothèque. Jeff Bellamy ne sauverait pas le monde par l’amour et la paix. Il
ne se baladerait plus à Haight Ashbury. Il n’irait plus voir de concerts des
Doors. Il n’irait plus voir de concerts du tout. Il n’écouterait plus de
musique. Le balancement des vagues parvenait à ses oreilles. Il pouvait encore
l’identifier. Mais pour combien de temps ?</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il y avait
encore un peu de vie, un peu de souvenirs, dans sa pauvre tête morte. Mais
bientôt il n’y aurait plus que la nécessité de se nourrir, et la ruse qui lui
était afférente. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il eut un
instant de clairvoyance et une larme roula sur sa joue déchirée, humectant
l’orbite injectée de sang d’un œil qui regardait dans le vide, au-delà de la
vie. Un œil que traversa une lueur d’horreur et de désespoir. Il ne voulait pas
ça. Il ne voulait pas être un cadavre ambulant, en putréfaction, dégueulasse et
horrible à regarder. Il ne voulait pas rester avec les cinq autres – ils le
dégoutaient, ils lui faisaient peur – et pourtant il savait qu’il était comme
eux à présent. Il savait qu’il devait rester avec eux, lui qui avait toujours
détesté faire partie d’une bande. Il devait désormais vivre avec ce troupeau
grotesque et effrayant. Il devait rester, prisonnier de ce cauchemar.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Le soleil tapait
plus fort à présent, il avait bien commencé à s’élever sur son chemin vers
l’ouest, et il frappait le crâne de Jeff de plein fouet, projetant son ombre et
celle du pin sur le sol à sa gauche. Il souhaitait que le soleil le cuise, qu’il
le fasse cramer comme une vieille saucisse et qu’il le réduise en cendres,
qu’il mette fin à son calvaire. Mais le soleil ne l’achevait pas. Le soleil
c’était pour ces bêcheurs de vampires que ça marchait, pas pour les pauvres
types comme lui. Et ses dernières cellules valides perdaient conscience au fur
et à mesure que les minutes passaient. Cela prenait moins de temps qu’il
l’aurait cru.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Jeff Bellamy
resterait là, adossé au tronc du pin, attendant qu’un voyageur ou un policier,
inquiété par la Thunderbird fracassée, vienne voir ce qui avait causé
l’accident et regarder s’il y avait des blessés, des survivants.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Jeff Bellamy
n’avait plus mal. Son bras à demi rongé et son épaule déchiquetée, sa cuisse
dévorée et ses entrailles répandues ne le faisaient pas souffrir. Il lui
restait l’essentiel : son cerveau. Et malgré le fait qu’il n’ait plus
d’estomac, ce cerveau, clignotant par intermittence d’impulsions électriques
survivantes tel un néon mourant, ce cerveau, donc, lui disait une chose :
« Manger. Humain. » </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il fut surpris
de ressentir à nouveau la douleur, juste l’espace d’un instant, comme son crâne
explosait. Il se sentit vivant. Tous ses souvenirs lui revenaient. Sa vie
d’avant. La funeste nuit où il s’était arrêté sur la falaise. Et puis la suite.
L’attente. Le néant. Avec juste cette faim étrange chevillée au corps.
Chevillée à l’âme et qui la rongeait. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il sentit la
douleur et il souffrit de se remémorer tout cela. Il souffrit de penser qu’il
était devenu un monstre. Et il accueillit cette peine avec joie et gratitude,
car elle le délivrait.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Lieutenant
Morrison ? » cracha le Capitaine McQueen dans son talkie-walkie. <span lang="EN-GB" style="mso-ansi-language: EN-GB;">« C’est Matt McQueen. </span>J’ai
terminé. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Roger,
répondit la jeune femme.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Vous vous
croyez dans un avion, Morrison ? répondit-il amusé. Rejoignez-moi, nous
partons pour l’enclave ! »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Le Lieutenant
Morrison sourit dans le vague en rangeant son talkie. La jeune femme venait de
prendre son service dans la police et n’avait pas encore l’habitude des codes
utilisés.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ses coéquipiers
avaient terminé d’empiler les cadavres dont les crânes avaient été
consciencieusement évidés, lorsqu’ils n’avaient pas été tout simplement
soufflés par leurs copieux tirs d’armes à feux. Ils arrosèrent les corps
d’essence et y jetèrent quelques allumettes qu’ils venaient de craquer.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Elle les laissa
surveiller le brasier et remonta jusqu’au bord du promontoire.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Le Capitaine
McQueen l’attendait, regardant l’océan. Il se tenait près d’une Thunderbird
orange en très mauvais état, laquelle était encastrée dans un arbre. Á ses
pieds, gisait le cadavre d’un zombie dont la tête avait été explosée.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Jeffrey
Bellamy, » annonça-t-il en brandissant un permis qu’il avait trouvé dans
la boîte à gants du véhicule accidenté. « Au moins celui-ci est identifié.
On pourra prévenir sa famille. »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il dévisagea
Morrison de ses yeux bleus très pâles, d’une couleur glaciale. La gamine avait
apparemment un peu plus d’une vingtaine d’années, cependant elle était plus
mature qu’aucun de ses collègues, même les plus expérimentés. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Au début des
attaques, lorsque l’armée l’avait envoyée, ils n’avaient pas donné beaucoup de
détails. Il n’avait pas posé de questions. Elle ne disait jamais grand-chose,
et lui n’était pas du genre curieux. Elle lui rappelait ces vieux indiens qui
restaient dans les réserves, pleins de savoir et de secrets. Il avait
confiance.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Il y en a
de plus en plus, remarqua-t-elle.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Ça devient
préoccupant… De toute évidence nous arrivons encore à endiguer la
contamination, mais j’ai peur que certains ne finissent par passer à travers
les mailles du filet.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Tant que ce
sont des groupes isolés, on peut les repérer. Et surtout tant que ce sont des
groupes : un groupe, ça n’est pas forcément discret. Ce sont les éventuels
individus solitaires qui m’inquiètent.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Il ne doit pas
y en avoir tant que ça, qui ont des velléités d’indépendance. Je crois qu’ils
cherchent justement à former de petits groupes dès qu’ils sont transformés. Ils
sont plus malins qu’ils n’en ont l’air, mais ils sont lents. Leur nombre leur
permet de submerger les victimes : ce sont des créatures grégaires, des
bêtes de meute, leur nombre fait leur force. »</div><br>
<div align="right" style="text-align: right;">
<b><i>à suivre... </i></b></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: black;">
- Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
</div>
<div style="text-align: center;">
<br />
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/594WLzzb3JI" width="420"></iframe>
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b> </b></span></span></i></div>
<i><span style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"><span style="color: black;"> </span> </span></i>Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-7519928948845436492015-02-20T19:28:00.000+01:002015-02-20T19:28:00.534+01:00Chapitre IV : 1967 (partie 1)<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
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<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
C’était en plein
<i style="mso-bidi-font-style: normal;">Summer of Love</i>. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il s’en
souvenait parce que ça l’emmerdait un peu. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Par moments ça
lui revenait, ces conneries de hippies qui voulaient changer le monde. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Et finalement,
le monde avait changé… mais pas comme on l’espérait.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
D’où ça venait
ce truc ? Il n’avait jamais su. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il s’en foutait
maintenant. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il n’arrivait
pas à tout se remémorer, mais il gardait à l’esprit que ç’avait été horrible. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
C’était après un
concert des Doors au Filmore, au mois de juin. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Le 10 juin,
c’était. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Le concert avait
été génial. Il adorait les Doors. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Morrison au
moins, c’était pas un con. Il vous poussait à réfléchir. Même si vous ne
pensiez pas comme lui, il titillait votre curiosité et votre intelligence. Il
vous ouvrait l’esprit. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Enfin, pour ceux
qui écoutaient. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
On ne parlait
pas trop des zombies pour le moment. Il y avait bien eu des cas isolés qu’on
avait répertoriés çà et là, mais lui n’y croyait pas tellement. Il se disait
que c’étaient des conneries inventées par les politicards pour manipuler les
foules une fois de plus.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Après le
concert, il avait pris sa voiture pour retourner chez lui, à Palo Alto. Des
amis lui avaient proposé de l’héberger, mais il avait décliné
l’invitation : il aimait rouler. Ça lui procurait une sensation de
liberté.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il n’allait pas
trop vite, et avait rabattu le toit de sa T-Bird convertible orange, laissant
le vent lui souffler dans les cheveux, respirant l’air de la nuit.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il avait longé
la côte et, à mi-chemin, une quinzaine de miles au sud de Frisco, il s’était
arrêté pour admirer l’océan luisant dans la nuit.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il était
descendu de la Ford et avait marché jusqu’au bord du promontoire. Il faisait
très bon. Il avait fermé les yeux un instant pour respirer, les mains dans les
poches, face à l’horizon baigné de ténèbres.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Puis il avait
entendu un cri. Un hurlement plus exactement. Une fille qui hurlait.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il avait regardé
en bas, sur la plage. Il avait vu plusieurs silhouettes, dont une qui courait,
poursuivie par une autre qui semblait traîner la patte. Deux autres encore
étaient assises sur le sable, sans bouger, face aux vagues. Il lui sembla qu’un
cinquième protagoniste était allongé sur le sol à plat ventre, mais il bougeait
lentement comme une sorte de serpent, comme s’il rampait. Ce devait être un
groupe de surfeurs.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il y avait juste
le son des braillements de la fille, un peu couvert par le bruit des vagues,
même si l’océan était calme ce soir-là, mais il lui sembla entendre comme des
grognements.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Malgré lui, il
commença à descendre vers la plage, vers le groupe de jeunes. La fille semblait
avoir très peur et ses amis ne bougeaient pas. Elle courait en zigzag, suivie
de loin par le gars qui boitait. Et les autres regardaient la mer, sans parler
de celui qui rampait derrière eux sans vraisemblablement savoir où aller.
C’était étrange.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Comme il
s’approchait, une espèce d’odeur de pourri lui effleura les narines, mêlée à
l’iode et aux plantes maritimes. Ce n’était pas rare que des rebuts d’égout ou
des bêtes crevées s’échouent. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il regarda vers
la fille qui courait : elle avait fini par s’épuiser et avançait
péniblement dans le sable, soulevant à peine ses pieds, courbée vers l’avant,
les bras ballants. Elle essayait de crier mais s’était cassé la voix et il ne
sortait plus de ses poumons que des sifflements rauques, entre deux quintes de
toux, comme elle n’arrivait pas à reprendre son souffle. Le gars avec la patte
folle n’avait pas modifié son rythme, et il arrivait presque à tendre le bras
pour la toucher.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Hey ! »
héla-t-il comme le bras du type s’abattait sur l’épaule de la fuyarde.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Toute la scène
se figea. Même le gars qui ondulait par terre s’immobilisa. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Celui qui
poursuivait la fille tourna lentement la tête dans sa direction, mais il ne dit
rien, comme s’il ne l’avait pas vraiment vu. Mais il l’avait vu. Il serra
l’épaule de la fille et elle tomba en arrière, dans ses bras, en poussant des gémissements
horrifiés auxquels se mêlaient des sanglots rauques. Elle ne luttait même plus.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Et là, pendant
un instant, il crut que le gars l’embrassait : il se pencha bizarrement
vers elle, vers son cou. Et Jeff Bellamy – c’était son nom – entendit des bruits
bizarres, comme quand on mâche bruyamment quelque chose.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
La fille ne fit
plus un bruit.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Pendant ce
temps, les deux personnages assis face à la mer s’étaient retournés. Il eut
l’impression que seules leurs têtes avaient bougé, tournant sur elles-mêmes presque
complètement, mais c’était une illusion d’optique. Ils commencèrent à pivoter
leurs épaules et leurs torses, le regard fixé sur lui. Il y avait une jeune
fille, et un jeune homme. Le type-serpent le fixait aussi, depuis le sol, ce
qui était un peu perturbant. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il ne les
distinguait pas très nettement, mais il voyait qu’ils étaient tous trop
bizarres. Et cette odeur dégueulasse était de plus en plus forte.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il commença à
flipper.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il esquissa un
pas en arrière, puis un autre, puis un autre. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Les deux qui
contemplaient l’océan s’étaient levés. Ils venaient vers lui. Il les entendit
émettre des sortes de râles, comme s’ils essayaient de parler. La silhouette
féminine semblait marcher correctement, mais le jeune gars était bancal, comme
s’il avait un pied cassé, et il lui manquait tout un morceau de bras. Il
réalisa que celui qui rampait avait les membres brisés. Il avançait vers lui
comme une limace, la bouche ouverte et les yeux vides.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
On avait pas mal
de drogues insolites en ce moment, mais rien qui provoque de tels désastres.
Qu’est-ce que c’était que ces types ? </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il ne se posa
pas longtemps la question et s’en voulut à mort de son foutu scepticisme.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Celui qui avait
couru après la fille avait laissé le corps inerte de sa proie retomber sur le
sable. Il était tourné vers Jeff à présent. Il venait vers lui.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Jeff remonta la
colline en courant, ralenti par le sable et les herbes. Il dérapa sur le flanc
de la falaise et perdit une chaussure mais ne s’arrêta pas pour la ramasser, il
ne se retourna même pas pour voir où en étaient ses poursuivants.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Merde,
merde, merde de putain de merde ! » jura-t-il comme il atteignait la
Ford et se précipitait au volant.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il avait laissé
la clé sur le contact et la tourna juste comme le haut d’un crâne apparaissait
en haut du tertre.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ses yeux
s’écarquillèrent d’horreur. Il avait le souffle court. Son pouls emballé
résonnait à ses oreilles. Il lui semblait que malgré ses vingt-cinq ans, il
allait faire une crise cardiaque.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il enclencha la
capote qui commença à remonter et démarra en marche arrière.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Comme il
tournait le volant pour remettre la T-Bird dans l’axe de la route, l’un des
types s’agrippa à la capote et l’empêcha de se refermer complètement. Jeff
donna un coup d’accélérateur et le corps du type cogna contre le flanc de la
voiture avec un bruit dégueulasse, mais il ne lâcha pas prise. Les autres
l’avaient rejoint et il entendait leurs borborygmes immondes, des gargouillis
qui avaient peine à franchir leurs gorges endommagées.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
L’un d’entre eux
parlait encore – il devait subsister assez de muscles et de chair pour faire
fonctionner ses cordes vocales – enfin, si on pouvait appeler ça parler :
« Nnnnourrr…rrrrir… Hhhhommm…me… ».</div>
<div align="right" style="text-align: right;">
<b><i>à suivre... </i></b></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: black;">
- Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;"><br>
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/Qb_Uu0eTNWk" width="420"></iframe>
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b> </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
<i><span style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"><span style="color: black;"><b> </b></span> </span></i></div>
Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-32319127099848115662015-02-19T19:28:00.000+01:002015-02-19T19:28:00.162+01:00Chapitre III : 2007 (partie 3)*<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
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<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Papa ? »</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Doug prit une
profonde inspiration et, alors qu’un second hurlement de détresse leur
parvenait, il s’empara de l’arme au tranchant argenté.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Ne sors
sous aucun prétexte, referme derrière moi, barricade tout immédiatement :
si j’arrive à le sauver, je me débrouillerai pour grimper sur le toit avec le
chien jusqu’à demain matin. De là je pourrai surveiller les issues pendant que
tu m’attendras dans la maison. »</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Le jeune
garçon le fixa avec crainte et confiance mêlées, et ils se dirigèrent vers le
garage. L’homme n’emprunta pas le portail métallique, mais se glissa dehors par
une petite issue grillagée que Terry verrouilla et barra aussitôt derrière lui.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Ils étaient
là, dans l’allée, et sur la pelouse devant la maison, à la fois lents et
rapides, arborant des expressions narquoises que l’on distinguait malgré
l’affaissement de leurs traits, les parties manquantes de leurs visages et de
leurs yeux. Un chien courait de l’un à l’autre, essayant de s’enfuir, et malgré
la vitesse de sa course, les implacables choses l’encerclaient, l’empêchant de
passer. Le manège semblait se répéter inlassablement : le chien courait,
se heurtait aux jambes des zombies, repartait de l’autre côté, échappant de peu
à leurs griffes, voyait que le passage lui était interdit et que leur cercle se
resserrait de plus en plus, et là il hurlait avant de repartir de plus belle.
Doug s’était avancé promptement à découvert, ne voulant pas les attirer vers
les issues de la maison. Il tenait son épée verticale devant lui, et pour la
première fois, il vit briller la lame.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Oh, elle ne
flamboyait pas comme lorsque le roi qui la lui avait léguée la portait, mais
elle irradiait une lueur pâle, comme un avertissement discret.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il aurait
voulu se retourner et faire signe à Terry de rentrer dans la cuisine pour qu’il
ne voie rien, il sentait que le gamin le regardait à travers la porte aux
inserts en verre trempé, qu’ils avaient consolidée avec des grilles, mais il
devait feindre de l’ignorer, ne pas attirer l’attention des créatures sur lui.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Elle le
remarqua comme il arrivait tout près d’eux. Lisa. Il la reconnaissait à peine
tellement sa dégradation était avancée. Elle portait toujours la petite robe
trapèze sans manches dans laquelle elle avait disparu pendant l’été, mais à
présent, de rose et blanche qu’elle était, elle avait pris une teinte grisâtre,
elle était souillée, déchirée, avec des traces de moisissures et de sang séché.
Et les quelques longues mèches rousses qui subsistaient sur sa tête étaient couvertes
de glèbe et de vermine. Il ne prêtait même plus attention à la puanteur infecte
qui régnait autour de lui, aux borborygmes des morts-vivants, aux halètements
et aux plaintes du chien qui, pour le moment, parvenait à rester en vie.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Elle s’avança
vers lui, traînant une jambe estropiée, au bout de laquelle pendait encore une
petite ballerine d’un rose devenu terreux. Quelque chose de luisant au fond de
son orbite gauche le fixait : l’œil qui lui restait, et elle souriait, de
toutes ses dents, derrière des lambeaux de lèvres et de gencives putréfiées,
tendant vers lui des bras qui n’en étaient plus.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Jaaaaaaaaames…
Tu es venu, Jaaaaaaaaaaaaames… »</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il se demanda
encore brièvement comment, et d’où, elle avait pu lui téléphoner tous ces
soirs, comment elle avait retrouvé le chemin de la maison, et alors qu’elle
arrivait à sa hauteur, il rugit de rage et de tristesse et fit tournoyer son
épée.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
La tête de
Lisa tomba au sol avec un bruit sourd et roula sous l’éclat de la lune. Son
corps demeura un instant comme figé dans sa course, puis s’affala à son tour
sur la pelouse, gélatineux. Terry, derrière la porte du garage, eut un
haut-le-cœur. Doug baissa sa garde : c’était si simple de donner la paix,
après ces mois d’errance.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« PAPAAAAAAA !!!!! »
hurla Terry, la voix étouffée par le blindage, en désignant le groupe de
cadavres qui marchaient sur lui : le cri de Doug et la mort de l’une des
leurs les avaient alertés et ils s’étaient désintéressés du chien pour des
proies plus à leur goût : un grand homme vigoureux, et un petit garçon
qu’ils apercevaient caché dans la maison.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Les yeux
embués de larmes, Doug se rua vers la masse des morts ambulants et commença à
asséner des coups d’épée, tranchant têtes, bras, et troncs, sans plus vraiment
calculer ce qu’il faisait. Il s’aperçut alors qu’à donner ainsi de la lame sans
méthode, il n’avait pas éliminé suffisamment de zombies et que ceux-ci
affluaient vers lui en nombre croissant, rendus encore plus féroces par les
blessures qu’il leur avait infligées. L’épée perdait de son éclat et Doug se
sentait faiblir.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il faisait
nuit, et sa force était insignifiante comparée à celle qu’il possédait en plein
midi. Il recula en titubant et faillit trébucher sur le chien qui accourait
vers le garage, vers Terry qui venait d’ouvrir la petite porte.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Non !
Non ! Terrence, n’ouvre pas ! »</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Mais l’enfant
ne l’écoutait pas : s’écartant légèrement pour laisser la bête affolée se
précipiter dans la maison, il brandit devant lui une énorme brassée de
tournesols. D’où le gamin les avait-ils sortis ? Ils étaient lumineux et
frais, comme au cœur de l’été, et irradiaient une puissante lumière
jaune : la lumière du soleil.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Doug sentit
aussitôt ses forces lui revenir et se jeta dans la mêlée, cette fois
brandissant efficacement Excalibur et tranchant correctement les têtes des
créatures dont les restes tombaient en tas dans l’allée et sur la pelouse. </div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Les tournesols
ne suffiraient pas à le rendre aussi fort qu’en plein jour, ni aussi longtemps,
mais ils lui permirent d’abattre assez de monstres pour qu’il puisse rentrer
dans la maison avec Terry et barricader solidement la porte. Ils traversèrent
le garage, l’un son épée à la main, l’autre les tournesols dans les bras, et
atteignirent la cuisine devant laquelle le chien les attendait.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Ils ne purent
dormir et attendirent le lever du jour blottis les uns contre les autres,
écoutant le son étouffé des raclements et des râles des morts-vivants restants
qui s’acharnaient contre les issues et les murs de la maison. Terry serrait
contre lui le chien, enfouissant ses narines dans son pelage noir et soyeux,
Doug avait entouré l’enfant de son bras et le tenait fermement, appuyant sa
joue contre les cheveux lisses et doux de son fils. Il ne pensait plus à Lisa,
il ne pensait plus à la Quête du Graal. Il pensait juste qu’il fallait fuir la
nuit et ses cohortes de zombies.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Lorsque le
soleil fut assez haut dans le ciel, Doug prit des provisions, des couvertures,
des armes et les téléphones mobiles. Il fit grimper Terry et le chien dans la
Dodge, posa le bouquet de tournesols sur la plage arrière avec l’épée, fit
basculer la porte métallique du garage et vérifia qu’aucune créature ne
bougeait au sein des restes puants entassés dans l’allée, puis il prit le
volant, démarra la voiture et annonça : « c’est au pôle sud qu’il fait
jour 6 mois à partir du 21 décembre, et inversement au nord, puis à partir du
21 juin c’est le nord qui est au soleil et le sud à la nuit pour 6 mois. En
route. »<br />
<br />
<div style="text-align: right;">
[* ce chapitre, intitulé 2007, est paru précédemment sous forme de nouvelle sous le titre 'Gimme Shelter' dans <a href="http://www.riviereblanche.com/mastertonmonde.htm" target="_blank"><b>l'anthologie <i>Les Mondes de Masterton </i>dirigée par Marc Bailly</b></a> aux éditions Rivière Blanche en 2012]</div>
</div>
<div align="right" style="text-align: right;">
<br />
<b><i>à suivre... </i></b></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: black;">
- Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
</div>
<div style="text-align: center;">
<br />
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/J54Gm8JDSmA" width="420"></iframe>
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b> </b></span></span></i></div>
<i><span style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"><span style="color: black;"> </span> </span></i>Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-12422284897331629852015-02-18T19:28:00.000+01:002015-02-18T19:28:00.368+01:00Chapitre III : 2007 (partie 2)*<div style="text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhuoI6Csr28UzRFox_uihhnkQsU7QRqi2PTLE8R9VUm2VIY_KALTbox9XA7OP_tPW3oJo3gOEH1_CqmQF89CPQovby-Sw7fIJqHUyv4QewLKTgybZdbnaj0wE8NQqqPGIn-3LxJUsTmHhHY/s1600/stl_zombies_parksousterrain.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhuoI6Csr28UzRFox_uihhnkQsU7QRqi2PTLE8R9VUm2VIY_KALTbox9XA7OP_tPW3oJo3gOEH1_CqmQF89CPQovby-Sw7fIJqHUyv4QewLKTgybZdbnaj0wE8NQqqPGIn-3LxJUsTmHhHY/s1600/stl_zombies_parksousterrain.jpg" height="320" width="320" /></a>
Il allait
devoir sortir mettre un terme à ses souffrances, mais il ne pouvait le faire
qu’en plein jour, et il ne savait pas où elle se cachait. Autant chaque nuit
elle arrivait à se souvenir non seulement de son numéro de téléphone, mais
aussi de son adresse, et elle venait se planter devant la maison, avec d’autres
comme elle, pour tenter de le faire sortir, de s’emparer de lui et de Terry,
autant chaque jour qui passait où il la cherchait, Doug avait été incapable de
dénicher sa tanière.
</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Ces
morts-vivants restaient un mystère pour lui : il avait d’abord supposé
qu’ils seraient complètement stupides, mus simplement par une faim insatiable
de chair humaine, et qu’ils finiraient par s’entre-dévorer lorsqu’il n’y aurait
plus âme qui vive réellement – il avait d’ailleurs pu constater qu’ils se
mangeaient déjà entre eux lorsqu’ils ne trouvaient pas de victimes, et parfois
par simple bêtise – mais il voyait aussi comment ils se souvenaient,
machinalement sans doute, un peu comme s’ils avaient enregistré un programme
qu’ils reproduisaient à l’infini, de ce qu’ils avaient été avant, et cela
l’incitait à se méfier. Il les soupçonnait donc d’être encore plus dangereux
qu’il n’y paraissait car peut-être capables de réflexion, ce qui expliquerait
aussi ses difficultés à en dénicher certains, dont Lisa, pendant la journée.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il s’estimait
déjà heureux que ces créatures ne sortent en général que de nuit. Il ne se
l’expliquait guère : pour lui, c’étaient les vampires qui sortaient la
nuit, les zombies pouvaient sortir n’importe quand. Mais il n’était pas dans un
roman de Matheson ou de King, ni dans un film de George Romero : ces
abominations avaient leur propres lois et leurs propres caractéristiques. Elles
lui rappelaient ces morts-vivants mus par la volonté d’antiques démons… mais
non, ça aussi c’était dans un roman, il n’avait jamais vu cela lorsqu’il avait
trouvé l’épée, voilà toutes ces vies. Lui souhaitait simplement pouvoir leur
échapper, protéger Terry, et, si possible, en anéantir le plus grand nombre. Il
avait l’impression de vivre tout à la fois dans une mauvaise réédition de <i>Je
suis une légende</i>, cloîtré et presque seul au monde comme Robert Neville, et
dans un remake raté de <i>La nuit des morts-vivants</i> pour le côté
infestation. Le problème, songea-t-il, c’est que lui-même était une légende, et
tout semblait finalement plus simple au temps d’Arthur.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Sentant peser
sur lui le regard inquiet de Terry, il se tira de ses pensées et lui fit signe
d’approcher.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Tu
vois, lui dit-il en brandissant l’arme, il faut les laisser se pencher vers
toi, et leur trancher la tête d’un coup sec. Comme ça. »</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
La lame siffla
dans l’air devant eux et il la reposa sur la table.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Elle
semble très lourde, remarqua le garçonnet.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
- Pas tant que
ça, son premier porteur l’a eue très jeune, elle s’adapte à celui qui la porte
– s’il est élu par elle.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
- Et si je n’y
arrive pas ?</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
- Prends-la,
il faut que tu saches la manier, qu’au cas où il m’arrive malheur je ne
t’entraîne pas dans les ténèbres.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
- Est-ce que
nous n’y sommes pas déjà, Papa ? »</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Doug plaça
lui-même la poignée de l’épée dans les mains du petit, les serrant dans les
siennes : « Il y a toujours de l’espoir ».</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Surpris, Terry
constata que le glaive ne pesait pas autant qu’il l’imaginait. Il fit quelques
passes dans le vide, devant lui, imitant les gestes qu’il avait vus faire à
Doug et suivant les directives que celui qui avait été chevalier lui donnait.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Et
surtout, surtout si je succombe et que je reviens m’attaquer à toi, n’hésite
pas : c’est là – annonça-t-il en désignant du doigt sa carotide – qu’il
faut appliquer la lame avant de trancher. »</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Les yeux du
gamin s’embuèrent de larmes à cette pensée, et Doug le serra dans ses bras de
toutes ses forces, espérant qu’un peu du courage et de la volonté qui lui
avaient permis de traverser les siècles passeraient en cet étrange héritier,
dont les immenses yeux couleur d’eaux transparentes le dévoraient. L’enfant avait
les capacités nécessaires, il en était certain, il fallait juste qu’il soit
confiant et ne se laisse pas envahir par le doute.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Le chevalier
avait parfois douté, depuis tous ces siècles, du fait qu’il retrouverait celui
qui aujourd’hui était son fils adoptif, et pourtant l’enfant était là.
Semblable à ce fils réel que, trop préoccupé par la conquête du calice de Dieu,
il avait perdu alors, faute de l’avoir protégé et éduqué. </div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il l’avait
cherché, pendant tout ce temps : il y avait eu tant d’êtres, filles et
garçons, femmes et hommes, qui avaient eu les mêmes yeux clairs, les mêmes
cheveux bruns, la même peau veloutée. Il les avait aidés à cheminer dans la
vie, à devenir des hommes et des femmes forts et courageux, souvent au prix de
ses propres existences sans cesse renouvelées, avant de se rendre compte qu’ils
n’étaient pas celui qu’il cherchait : toujours ils gardaient des
imperfections, des vices, des faiblesses, que son fils réel n’aurait pas.
Alors, malgré cela ou à cause de cela, il continuait de les aimer et de les
accompagner, d’accomplir sa mission en les soutenant, mais il savait qu’il
s’était trompé, et il attendait de revenir, encore et encore, pour retrouver
son petit, pour ne plus l’abandonner comme il l’avait fait lorsqu’il parcourait
les ruines de la civilisation arthurienne à la recherche de ses trésors,
physiques comme spirituels. Au début il n’en avait pas conscience, il suivait
juste son intuition, et se rendait compte de ses erreurs. Puis, au fur et à
mesure de ses renaissances, il avait gardé en lui des bribes de chaque
expérience, de chaque quête, pour enfin définir qui était l’enfant, et ne plus
chercher que lui : c’était cela son Eldorado désormais. </div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Terrence ne se
souvenait pas de manière évidente de Doug, mais ses cellules et son âme
reconnaissaient le vigoureux guerrier pour leur père, comme en témoignait le
nom qu’il lui avait si facilement donné et l’affection sans limites qu’il lui
portait. Lui aussi était revenu, de vie en vie, mais, plus jeune, moins
expérimenté que Doug, il n’avait pas appréhendé la chose de la même façon. Il
avait simplement prié pour la venue de quelqu’un qui saurait l’aimer sans
conditions, comme Doug avait prié pour le retrouver enfin, et en cette fin de
monde, leurs prières avaient été exaucées.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Ils furent
interrompus dans leur maniement d’armes par un hurlement désespéré qui, malgré
l’isolation exceptionnelle de la maison, leur parvint à travers les barricades,
déchirant la nuit et glaçant l’homme et l’enfant jusqu’aux entrailles.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Terry regarda
son père avec des yeux encore plus grands que de coutume, et Doug sut
instantanément que cette nuit, il devrait sortir.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Papa…
c’est un chien, Papa… il est vivant. »</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Le chevalier
qui avait été le neveu du Roi plongea son regard dans celui, accablé, de son
fils. Il pensa que sortir risquer sa vie et celle du gosse pour un simple chien
tenait de la folie. Il pensa qu’il vaudrait mieux se boucher les oreilles et
attendre que ça passe : ce n’était pas le premier animal auquel les
monstres allaient s’en prendre, et malheureusement pas le dernier. Quand ils ne
finissaient pas entièrement dévorés, on les voyait parfois errer, versions
animales des zombies d’humains, aussi dangereuses : des vaches à
demi-décomposées, des chiens ou des chats qui se trainaient… les plus effrayants
étaient les chevaux, qui par leur stature et la majesté qu’ils avaient
conservée de leur ancienne vie, semblaient des messagers de l’Enfer.<br />
<br />
<div style="text-align: right;">
[* ce chapitre, intitulé 2007, est paru précédemment sous forme de nouvelle sous le titre 'Gimme Shelter' dans <a href="http://www.riviereblanche.com/mastertonmonde.htm" target="_blank"><b>l'anthologie <i>Les Mondes de Masterton </i>dirigée par Marc Bailly</b></a> aux éditions Rivière Blanche en 2012] </div>
</div>
<div align="right" style="text-align: right;">
<br />
<b><i>à suivre... </i></b></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: black;">
- Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
</div>
<div style="text-align: center;">
<br />
<iframe width="420" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/k3Re18NwL08" frameborder="0" allowfullscreen></iframe>
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b> </b></span></span></i></div>
<i><span style="color: black;"> </span> </i>Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-74884543471577314542015-02-17T19:28:00.000+01:002015-02-17T19:28:00.586+01:00Chapitre III : 2007 (partie 1)*<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEilreeFDm6sQYfNG2zTcHK2-WzUgVxTYLj490vLjbYZbw604h7K6LaPAUPPOqXm93Wm6tnzEaenoOehBmFwrr_qz8J5fffKpFGFjexXUZ78ciueeQWuidYOXlFY1al9BTyV7kSHprIL8kOW/s1600/stl_zombies_doug02.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEilreeFDm6sQYfNG2zTcHK2-WzUgVxTYLj490vLjbYZbw604h7K6LaPAUPPOqXm93Wm6tnzEaenoOehBmFwrr_qz8J5fffKpFGFjexXUZ78ciueeQWuidYOXlFY1al9BTyV7kSHprIL8kOW/s1600/stl_zombies_doug02.jpg" height="320" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span lang="EN-US" style="mso-ansi-language: EN-US;">Oh, a storm is threat'ning, my very life today. If I don't get some
shelter, </span></i><i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span lang="EN-GB" style="mso-ansi-language: EN-GB;">oh yeah, I'm gonna fade away</span></i><span lang="EN-GB" style="mso-ansi-language: EN-GB;">.</span><span lang="EN-GB" style="font-size: 11.0pt; mso-ansi-language: EN-GB;"> </span>Doug regarda
par-dessus son épaule : on était en novembre et le soleil déclinait
rapidement. Il cessa de laisser son esprit vagabonder au gré de vieux morceaux
des Stones, coupa la chique à Mick Jagger, et appuya plus fort sur
l’accélérateur.<span style="font-size: 11.0pt;"></span></div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
La Dodge
Charger avait encore de beaux restes, et il fendit la campagne à toute allure
sans même avoir le temps de profiter du paysage d’automne, ne prêtant même pas
attention au vrombissement du HEMI.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il n’avait
d’ailleurs plus profité d’aucun coucher de soleil depuis des mois, et il
pensait bien ne plus le faire jamais.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Les dernières
lueurs du jour s’éteignaient lorsqu’il arrêta le véhicule dans l’allée du
garage. </div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il courut
basculer la porte : il avait renoncé à une fermeture électrique, de peur
qu’une panne de courant ne la bloque en position ouverte, exposant ainsi la
maison à tous les dangers. C’était arrivé une fois, au tout début.
Heureusement, à cette époque il était seul et s’en était sorti. Á présent, il
ne pouvait laisser cela se reproduire. Il rentra la Charger ’69 sans perdre de
temps et rebascula aussitôt le lourd panneau métallique qu’il verrouilla avant
de faire un premier tour de vérification de ce qu’il nommait son « sas de
sécurité ».</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Autant ils
étaient bruyants lorsqu’ils étaient nombreux, autant lorsqu’ils étaient seuls,
ils pouvaient se faufiler partout sans qu’on les entende ni ne les voie, et
attendre l’instant propice.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Doug fit le
tour du garage, sans oublier de regarder sous les étagères, sous l’établi et
sous son véhicule. Il vérifia également la banquette arrière – bien que la
voiture soit un coupé et qu’il eût été difficile pour les zombies de s’y
faufiler – et le coffre. Rien à signaler. Il retourna donc placer les cales de
bois contre le battant du garage : cela aurait pris trop de temps de les
enlever s’il avait mis la main sur un intrus qu’il aurait dû évacuer, mais
maintenant, il pouvait barricader solidement l’issue pour la nuit.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il
déverrouilla la porte de la cuisine, entra, et la referma soigneusement
derrière lui.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Terry était
assis à table et faisait ses devoirs. Il n’y avait plus d’école depuis
plusieurs semaines déjà, mais Terry continuait à faire ses devoirs. Internet
était une mine d’or pour un gamin curieux, et il était avide de connaissance.
Tant qu’ils auraient de l’électricité, une connexion, et des bouquins, Doug
savait que le petit étudierait. Certes, un jour ces sites web à l’abandon et leur
contenu seraient obsolètes, leurs serveurs déconnectés, mais pour le moment,
ils servaient. </div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Papa ! »
s’écria le garçonnet lorsqu’il le vit, lui sautant dans les bras. Il se serra
contre le grand homme, enfouissant son nez dans la fourrure qui doublait le col
et le blouson d’aviateur, inhalant cette odeur de cuir caractéristique,
rassurante.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Doug n’était
pas le père biologique de Terry, mais, alors qu’il n’y avait déjà plus
personne, c’est lui qui l’avait secouru, dans cette affreuse nuit. Il avait trouvé
refuge dans une caravane, depuis le jour terrible où les gens avaient commencé
à changer, et il y vivait tant bien que mal lorsque <i>les choses</i> l’avaient
attaqué. C’est là que pour la première fois, soulevé dans les bras puissants,
il avait senti cette odeur de daim et enfoui son petit nez dans le col de
fourrure pour ne plus respirer la puanteur qui avait envahi la ville. Secoué
par le rythme rapide des pas de Doug qui courait, il avait oublié les créatures
qui avaient failli s’emparer de lui. Depuis lors, chaque fois qu’il se jetait à
son cou, il se souvenait. Et comme il n’y avait plus personne et qu’il tenait à
son sauveur autant qu’à un père, il l’appelait ‘papa’.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Après avoir
salué le petit, Doug fit le tour de l’habitation : il vit avec plaisir que
Terry avait bien intégré ses recommandations. Les volets étaient fermés, les
panneaux de bois consolidés par des planches et les plaques de métal insérées
entre le bois et les vitres. Avec ces aménagements, le bruit ne filtrait
presque plus depuis la rue, et dans le silence cotonneux qui régnait au cœur de
la maison lorsqu’ils parvenaient à dormir, tout bruit d’intrusion faisait
l’effet d’un avion passant le mur du son : ils étaient ainsi facilement
alertés, d’autant que Douglas avait semé des pièges un peu partout, qui
produisaient un bruit d’enfer lorsqu’ils étaient actionnés.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Ils dînèrent
assez joyeusement, heureux de s’être trouvés et d’avoir pu demeurer ensemble au
sein de ce maelström qui avait tout emporté de leurs vies. Terry était resté
enfermé toute la journée : les jours où Doug allait les approvisionner, il
avait interdiction de sortir, mais cela ne semblait pas l’affecter
outre-mesure. Les choses émergeaient majoritairement la nuit, mais il arrivait
que certaines, tenaillées par la faim, s’aventurent dehors en plein jour, et
Doug ne voulait pas faire prendre de risques à son protégé.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Trouver de
quoi manger, se laver, réparer ce qui devait l’être et autres nécessités de la
vie quotidienne n’était pas un problème : les magasins avaient été laissés
à l’abandon et il n’y avait qu’à entrer pour se servir, en gardant toujours un
œil sur les recoins sombres et sous les étalages où les morts-vivants se
terraient parfois. Prévoyant, Doug avait d’abord visité les supermarchés, les
stations essence et les commerces des villes voisines, en commençant par les
plus reculées, car il voulait ménager un périmètre de sécurité où
l’approvisionnement serait aisé, même pour Terry seul au cas où il devrait
aller faire les courses à vélo s’il s’avérait que lui-même était retenu pour
une raison ou une autre et n’arrivait pas à rentrer de quelques jours.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Tous deux
évoquaient souvent le sujet, et Doug échafaudait toujours les scénarios les
plus catastrophiques afin de préparer le gamin à toute éventualité. Le petit
était débrouillard malgré son très jeune âge – Doug s’amusait parfois à se dire
qu’il était la réincarnation de Léonard de Vinci –, possédant de solides
rudiments de mécanique, capable de cuisiner et d’effectuer beaucoup de tâches
ordinairement prises en charge par les adultes. Du haut de ses neuf ans, il
avait même appris, avec Doug, à conduire une voiture, dans ce même but de
pouvoir être autonome le plus longtemps possible si le pire se produisait.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Terry
regardait un dvd à la télévision – les programmes normaux ne leur parvenaient
plus depuis quelques mois déjà, comme ceux de la radio, mais ils conservaient
scrupuleusement tout en état de marche – et Doug était dans la cuisine,
aiguisant machinalement la meurtrière lame de son glaive. Celui-ci n’en avait
guère besoin, mais il n’était pas un dieu, ni même un roi légendaire et, bien
que l’épée l’ait suivi depuis tous ces siècles au lieu de rester auprès de son
possesseur initial, il préférait l’entretenir car seule sa propre force
physique, qui croissait et décroissait avec le soleil, lui permettait de rendre
la lame plus efficace que celle d’un glaive lambda. Mieux elle tranchait, mieux
c’était.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Ils étaient
donc tous deux affairés lorsque le téléphone sonna. Doug décrocha.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Aaaallllllô ?
Jjjjjiiiimmm ? Jaaaaaaaaames… comment vas-tu, Jaaaaaaaames ? »</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il raccrocha
aussitôt haineusement, se retenant de briser le combiné contre son support
mural. Il veillait à chaque instant à ne laisser libre cours à aucune de ses
pulsions, à n’avoir aucune réaction irréfléchie qui pourrait porter à
conséquence : dans leur situation actuelle, il ne pouvait pas se permettre
de détruire quoi que ce soit qui puisse leur être utile, surtout pas les moyens
de contact avec l’extérieur. Il n’y croyait plus vraiment, mais il pouvait toujours
y avoir d’autres survivants comme eux, qui un jour essaieraient peut-être de
les joindre. Il veillait donc aux connexions de toutes sortes, y compris celles
des téléphones portables avec le chargement de leurs batteries, et celles des
téléphones fixes.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« C’était-elle ? »
demanda Terry, anxieux.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Doug hocha la
tête en signe d’assentiment, un feu étrange brûlait dans ses yeux bruns. Oui,
c’était elle. Lisa. Lisa était sa petite amie, autrefois. Elle le surnommait
Jim parce qu’avec son blouson, son allure dégingandée et ses boucles châtain,
il ressemblait à Jim Morrison.</div>
<div class="MsoBodyText" style="line-height: 150%; text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Mais à
présent, Lisa n’était plus Lisa, elle était l’une d’entre eux. Et chaque soir,
à la même heure, elle téléphonait. C’était cette même heure à laquelle elle
l’appelait lorsqu’elle était ‘vivante’. Et chaque soir qui passait, il pouvait
sentir combien le son de sa voix s’était dégradé : de plus en plus, le ton
haut-perché et enjoué se transformait en un chuintement rauque, faisant écho à
la décomposition de ses organes, ses poumons, sa trachée. Lorsqu’elle
prononçait son nom, de l’autre côté de la ligne, il avait l’impression
d’assister au délabrement de son cadavre, de voir les chairs putréfiées
s’effondrer sur elles-mêmes. Il pensa un instant à son corps autrefois pur, sa
peau pâle, satinée, à ses longs cheveux lisses d’un roux très clair, à son
sourire tendre. Il serra la poignée du glaive entre ses doigts.<br />
<br />
<div style="text-align: right;">
[* ce chapitre, intitulé 2007, est paru précédemment sous forme de nouvelle sous le titre 'Gimme Shelter' dans <a href="http://www.riviereblanche.com/mastertonmonde.htm" target="_blank"><b>l'anthologie <i>Les Mondes de Masterton </i>dirigée par Marc Bailly</b></a> aux éditions Rivière Blanche en 2012]</div>
</div>
<div align="right" style="text-align: right;">
<br />
<b><i>à suivre... </i></b></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: black;">
- Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></i><br />
<br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"><span style="color: black;"> </span> </span></i>
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Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-6444216184801247372015-02-16T19:28:00.000+01:002015-02-16T19:28:00.842+01:00Chapitre II : 1957 (partie 3)<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEikxb6y4Fs9OC-9WM8K5_F_dlsUHkuE6hEn3q9sXxaGtmDn9EEHLjXDKICr7Kb1BYVWlPvflDvgDpkYrtfk0wYiDx2fDY1FL56GbqdzvsRb5zSp9YpF2NXcySS8cvg4J8FnJt5z122hPmBD/s1600/blogestelle_zombies_aronde_w.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEikxb6y4Fs9OC-9WM8K5_F_dlsUHkuE6hEn3q9sXxaGtmDn9EEHLjXDKICr7Kb1BYVWlPvflDvgDpkYrtfk0wYiDx2fDY1FL56GbqdzvsRb5zSp9YpF2NXcySS8cvg4J8FnJt5z122hPmBD/s1600/blogestelle_zombies_aronde_w.jpg" height="320" width="320" /></a></div>
Je me risquai à
effleurer ce visage au teint cireux, la peau était douce et glacée. Je ne
l’avais pratiquement jamais touché de son vivant, et pour cause, mais je me
souvins d’une fois où, distrait, en réparant une voiture, il avait dévissé le
bouchon d’un radiateur trop chaud. Le liquide de refroidissement lui avait
giclé dessus, ébouillantant sa main gauche et tout son avant-bras. Il avait
reculé juste à temps pour que son visage et son torse ne soient pas atteints.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Nous ne l’avions
jamais dit à personne, mais lorsque je l’avais aidé à se soigner, il s’était
passé une chose étrange. Chaque brûlure, chaque cloque et chaque plaie que je
touchais du bout des doigts se résorbait et guérissait comme si elle n’avait
jamais existé. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Nous avions
toujours été étonnés de ce qui s’était passé et je n’avais plus jamais posé la
main sur Billy LaFleur, même lorsqu’il rentrait meurtri de ses rixes avec les
gars du coin je prenais soin que les compresses fassent barrière entre ma peau
et la sienne. Je crois que nous avions eu peur et mis ça sur le compte d’une
guérison miraculeuse. Lui savait que la vie était dure lorsqu’on est différent
et il ne voulait pas en plus passer pour un cinglé, et moi je ne comprenais pas
grand chose à tout ça à l’époque.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Je regardai le
bras du cadavre, la brûlure n’y avait jamais réapparu. Par curiosité, je posai,
non sans quelque répugnance, le doigt sur une petite partie de la cicatrice
autour de son cou : à l’endroit que je venais d’effleurer, la peau se
reforma comme neuve.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Surprise, je me
cramponnai au cadavre et faillis renverser la table. La tête de Billy roula un
peu vers moi et ses paupières closes s’ouvrirent mécaniquement. Les yeux bleus
désormais vitreux et injectés de sang semblèrent demander pourquoi :
pourquoi n’avais-je pas été là, sur ce bord de route, pour recoller les
morceaux tant qu’il en était temps ?</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
J’éclatai en
sanglot, serrant le cadavre dans mes bras, posant mon front sur ce torse glacé
duquel on avait probablement retiré le cœur. Il ne fallait pas que je reste
trop : je commençais à avoir froid malgré mon petit gilet de laine, malgré
la température clémente de cette nuit d’été, et même si je pouvais réparer les
plaies de Billy, je ne pouvais pas le ramener à la vie. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Je l’ai appris,
plus tard : je peux guérir des plaies, refermer des blessures, réparer et
reconstruire les os, les chairs, et les cellules, mais il y a une chose que je
ne peux pas vaincre, c’est la mort. La mort dépasse la reconstruction
cellulaire, elle enlève davantage que la vie des cellules, elle enlève l’âme,
l’esprit et la volonté. Même si je répare un corps, il reste immobile telle une
voiture vide qui ne peut pas rouler sans conducteur à son volant.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
J’ai replacé
tant bien que mal le corps de Billy, refermé ses yeux et calé sa pauvre tête
dans l’axe de son corps. J’ai posé un baiser sur son épaule froide et j’ai
rabattu le drap. Puis je suis sortie de la chambre funéraire et j’ai refermé la
porte. J’ai quitté l’église et suis repartie dans la nuit sur le vélo de Vince.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
La route était
déserte, elle aurait pu l’être aussi ce samedi fatal. Il était pas loin de 3h30
quand je suis rentrée, et je me suis mise au lit. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
J’avais besoin
de parler à quelqu’un mais j’attendis quand même le mois suivant pour tout
déballer à Vince. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
D’ici là, il
allait falloir enterrer Billy. La cérémonie eut lieu deux jours plus tard. On
avait installé la bière au milieu de la petite église et tout le monde était
venu faire ses adieux à LaFleur. Le Révérend et ses assistants l’avaient bien
habillé, il était presque aussi pimpant que pour ses sorties du week-end. Ils
lui avaient mis son pantalon léopard, qui avait été nettoyé, et ses bottines pointues,
avec une chemisette de bowling rayée qu’il ne mettait pas souvent – ils
n’avaient pas pu ravoir sa favorite, elle avait été trop abîmée dans
l’accident. Ils l’avaient coiffé aussi. C’était presque comme s’il allait se
lever, sortir du cercueil, et partir en virée. Sauf qu’il était terne, mort,
vide, et qu’une cicatrice barrait sa belle gorge. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
On l’enterra.
Les gens du village, les adultes, l’aimaient bien, et il y avait énormément de
fleurs, surtout des roses - c’étaient ses fleurs préférées - et on les avait
choisies blanches, parce qu’il avait le cœur pur. Je pleurai beaucoup à
l’enterrement, et faillis glisser dans la tombe lorsque j’y jetai ma poignée de
terre.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Après ça, la vie
reprit son cours. Tous les après-midi désormais, après être allée laver les
pare-brise à la station - le vieux Crudup avait dû engager un autre mécano,
mais ça n’était plus pareil - je me rendais au cimetière sur la tombe de Billy.
Je posais une rose, parfois blanche, parfois rouge, parfois d’une autre couleur
devant la stèle qui disait : « Billy LaFleur 1934-1957. Tu as vécu ce
que vivent les roses, l’espace d’un matin. » Je ne sais pas qui avait eu
l’idée de l’épitaphe, je crois que c’était le Révérend Wilkins, qui était un
peu romantique et aimait la poésie française.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Après ma triste
visite journalière, je rentrais chez moi et faisais mes devoirs. Et c’était
tout. J’eus bien quelques cauchemars, notamment un jour que je m’étais assoupie
sur la tombe : Billy m’apparut comme de son vivant, avec ses beaux habits
de sortie et sa banane blonde gominée, mais il était gris, raide et mort et ne
souriait pas, et sa cicatrice suintait un sang noirâtre. Il s’approcha de moi
avec des gestes lents et saccadés, et il dit d’une voix gutturale mais
chuintante, pleine de reproches : « Tu m’as laissé mourir, » et
petit à petit sa chair se renfonçait en elle-même et se décomposait comme il
s’approchait encore plus près de moi, et même dans ce cauchemar je pouvais
sentir son odeur, la puanteur de la mort.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Je m’éveillais
en hurlant : j’étais bien couchée sur la tombe, mais heureusement, il n’y
avait rien. Je rentrai chez moi le plus vite que je pus et, le soir, avant de
m’endormir, sortis du tiroir de ma table de nuit un foulard que j’avais dérobé
à Billy de son vivant. Il sentait bon : il sentait son odeur et un parfum
frais de cédrat et de vétiver.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
C’est le
lendemain de cet incident que je décidai de tout raconter à Vic : la
brûlure, mes mains qui soignaient, et l’apparition cauchemardesque. Loin de se
moquer de moi – il était assez fantasque, dévoreur d’histoires extraordinaires
et avide de magie – il m’aida à expérimenter, je pouvais soigner ici une
arthrose, là une infection pulmonaire, là guérir une plaie. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Par contre, je
ne sus jamais ramener les morts à la vie, même si, au départ, lorsque Suzanne
McNally raconta au shérif comment le cadavre de Billy LaFleur était venu
frapper chez elle un samedi soir, je crus que c’était de ma faute. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Nous eûmes la
preuve un peu plus tard qu’il n’en était rien, vous en avez été témoin
Capitaine McQueen.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<div style="text-align: right;">
<i><b>à suivre... </b></i></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> <span style="color: black;">- </span></span><span style="color: black;">Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
</div>
<div style="text-align: center;">
<br />
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/41GsS3jldOI" width="420"></iframe>
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b> </b></span></span></i></div>
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> </span></span> </i></div>
Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-46837261741124285432015-02-15T19:28:00.000+01:002015-02-16T09:36:26.171+01:00Chapitre II : 1957 (partie 2)<div style="text-align: right;">
<i><b><!--[if gte mso 9]><xml>
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</b></i><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjCXLJ8-niVdiQaE4lxMrLO5-3pYvzI1NvktkXgrmihzjLRbHvD3Pt2TEnllNyDXC3xGuvOr_rFM82OHD_-ExeXASgJp7XI0lwzUCdnQdD3arLvWfA5RmpS6SmS116BXOS6S5OfN6y0yqqk/s1600/stl_zombies_pool.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjCXLJ8-niVdiQaE4lxMrLO5-3pYvzI1NvktkXgrmihzjLRbHvD3Pt2TEnllNyDXC3xGuvOr_rFM82OHD_-ExeXASgJp7XI0lwzUCdnQdD3arLvWfA5RmpS6SmS116BXOS6S5OfN6y0yqqk/s1600/stl_zombies_pool.jpg" height="320" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ce samedi-là, il
avait fait particulièrement chaud, et une touffeur humide enveloppait de
brouillard le soleil couchant tandis que Billy, tout pimpant, me saluait avant
de se mettre au volant de la Buick rouge pour aller chercher Suzanne, comme
d’habitude. Cette nuit-là, il n’y eut pas d’orage, mais le temps était
terriblement lourd et étrange, comme avant une tornade, et, contrairement aux
autres week-ends, je ne fermai pas l’œil, me tournant et me retournant dans mon
lit en attendant l’heure d’aller accueillir Billy au garage. J’entendais le
chant des bêtes nocturnes, et le bruissement de la brise dans les champs de blé
derrière chez nous.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Autour de
minuit, le Docteur Parrish, qui avait un cabinet en ville mais habitait la
ferme adjacente avec sa femme, ses deux filles, ses trois fils et sa
belle-mère, vint frapper à la porte et demanda à mon père s’il pouvait le
conduire à l’hôpital, à Blue Springs : il y avait une urgence concernant
quelqu’un de chez nous et sa voiture était en réparation chez les Crudup. Je les
entendais parler, en bas. Mon père accompagna le docteur et ma mère vint
vérifier que je dormais bien - je fis semblant - puis elle passa voir mon
frère, Vince, dans sa chambre, avant de retourner se mettre au lit en attendant
le retour de mon père.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Vers trois
heures du matin, je m’éclipsai comme à l’accoutumée pour attendre l’arrivée de
Billy et l’aider à se coucher, avide que j’étais de profiter du moindre instant
en sa présence. J’attendis, cachée derrière les buissons derrière la
station-service. Il était en retard. J’attendis encore, puis encore, puis
encore. Un peu avant six heures, je décidai de rentrer chez moi sans quoi mon
petit manège risquait d’être découvert.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Je me glissai
dans ma chambre par la fenêtre ouverte après avoir grimpé le long du poteau de
la véranda, recouvert des restes bien utiles d’un rosier grimpant, et me mis au
lit, un peu inquiète que Billy ne soit pas encore arrivé.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Le jour
commençait à poindre lorsque j’entendis ma mère pousser un gémissement :
mon père venait de rentrer de l’hôpital avec le docteur et apportait
apparemment de mauvaises nouvelles. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ce ne fut pas
avant le petit-déjeuner que je surpris une conversation téléphonique entre ma
mère et l’une de ses voisines : Billy LaFleur n’était pas rentré cette
nuit-là. Et si Billy LaFleur n’était pas rentré, c’était parce que Billy
LaFleur était mort.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
La nouvelle me
tomba dessus comme un couperet et je renversai mon bol de céréales avant de
sombrer dans une sorte de mutisme dont je ne sortis que plusieurs heures plus
tard devant les suppliques de mes parents et de mon frère.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
L’après-midi
même, nous allâmes rendre visite aux Crudup, qui étaient de bons amis, pour
tenter d’alléger leur douleur d’avoir perdu celui qui était devenu comme un
fils pour eux. J’évoluai comme un automate, pendue tour à tour à la main de ma
mère, puis de mon père, tandis qu’à mes oreilles parvint comme de très loin une
histoire, contée par Minnie Crudup : une histoire terrible qui parlait de
Billy LaFleur, de la décapotable rouge, et d’un camion. Un camion qui roulait
un peu trop vite, un peu trop à gauche. Billy qui conduisait un peu trop vite
lui aussi, et qui avait un peu trop bu. La Buick était passée sous le camion et
la tête de Billy avait été emportée par le capot, littéralement tranchée.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
La jeune Suzanne
McNally n’avait rien eu : elle venait de plaquer Billy pour le fils des
Clifford, un futur notaire, et était rentrée avec lui.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Je m’effondrai
en pleurs sur les genoux de ma mère, telle une fleur de lys fanée dans ma robe
blanche du dimanche.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
On me raccompagna
à la maison et on me prépara du lait chaud, auquel on ajouta un peu de thé pour
une fois, avec des cookies que je partageai avec mon frère avant de m’assoupir
dans le salon devant <i>Les aventures de Jim Bowie</i>.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ce soir-là, nous
nous couchâmes tôt. Ma mère vint plusieurs fois dans la nuit s’assurer que je
dormais bien, et le crut puisque je feignais le sommeil chaque fois qu’elle
entrait. En vérité, je ne pouvais dormir et pensais à Billy, à ses yeux bleus
rieurs qui ne s’ouvriraient plus, à son sourire plein de charme à jamais
scellé. Je le revoyais se préparer pour ses sorties, son rituel minutieux, ou
encore lorsqu’il réparait les voitures, plongé dans les moteurs, et je le revis
la première fois, lorsqu’il avait posé le pied sur le bas-côté de la route,
notre route, pour venir s’établir chez nous, à Lone Jack, Missouri.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il avait eu une
mort horrible, il ne le méritait pas. Billy LaFleur avait vingt-trois ans et il
était mort. Il avait fini comme James Dean et Jayne Mansfield, fauché en pleine
gloire : pour lui, la gloire c’était sa jeunesse et sa beauté et une vie
simple et agréable dans notre petit patelin. Et là, c’était fini.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il fallait que
je le voie, une dernière fois.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Nous allions sur
le lundi, et Billy devait être enterré le mercredi. En attendant, on avait
laissé son corps dans l’arrière-salle de l’église où il devait être préparé et
mis en bière.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
La journée du
lundi se passa normalement, à ceci près que Billy n’était plus là. Après
l’école, j’allais tout de même chez les Crudup pour faire les pare-brise des
quelques clients : je ne pouvais pas les abandonner moi aussi. Le vieux
Crudup regardait l’horizon, debout sur le bas-côté de la route, sa silhouette
se découpant sur le ciel d’azur comme celle d’un Père Noël triste en bleu de
travail. Il fixait un point, au loin, comme s’il espérait que la Chevy 210
allait de nouveau venir stopper devant chez lui et que Billy LaFleur en
descendrait avec son baluchon, comme la première fois.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
J’avais une
grosse boule dans la gorge et je restais auprès de Minnie, dans le petit
magasin, à l’écouter renifler derrière son comptoir. Je ne pouvais me résoudre
à aller m’asseoir près des pompes et regarder vers le garage, où un pick-up
délaissé semblait faire béer désespérément son capot dans l’attente que le jeune
mécano vienne s’y pencher pour le réparer.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Nous ressentions
tous un vide immense, en même temps qu’un énorme poids semblait peser sur nos
épaules. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Même Suzanne
McNally était venue nous voir à la station. Elle se sentait un peu responsable
de l’accident, même si c’était surtout une question de malchance. Elle qui
n’avait jamais fait cas de moi me serra même dans ses bras en pleurant, comme
si j’étais une sorte de vestige de Billy auquel elle aurait demandé pardon de
l’avoir largué juste ce jour-là.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Le shérif du
comté de Jackson avait envoyé une de ses équipes enquêter sur l’accident, mais
il n’y avait rien à dire de plus. Le chauffeur du camion fatal avait été
grièvement blessé et se trouvait à l’hôpital de Blue Springs. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ayant terminé
mes heures à la station-service, je rentrai chez moi et, bon an, mal an, fis
croire à ma famille que j’allais mieux et nous dinâmes presque normalement.
Vince et moi-même allions toujours au lit de bonne heure dans la semaine, à
cause de l’école. Mon frère allait déjà au collège, il avait quatorze ans, et
comme le collège se trouvait un peu loin de chez nous, mes parents lui avaient
offert un beau vélo. Il s’y rendait tous les matins avec ses quelques copains,
et l’après-midi ils trainaient parfois un peu avant de rentrer.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ce soir-là,
après que nous nous soyons couchés, je décidai de faire le mur une fois de
plus, d’emprunter le vélo de Vic, et de me rendre à l’église pour essayer de
voir Billy avant qu’on ne l’enterre.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Peu après minuit
- c’était généralement devenu mon heure rituelle pour les escapades car mes
parents semblaient dormir plus profondément entre minuit et trois heures - je
sortis donc par la fenêtre, me laissai glisser le long du pilier de la véranda
et pris le vélo de mon frère, que je fis rouler jusqu’à la route le plus
silencieusement possible avant de l’enfourcher, prenant la direction de Main
Street. Le vélo n’était pas conçu pour une fillette de dix ans mais j’avais de
grandes jambes, je dépassais d’ailleurs d’une bonne tête les autres gosses de
mon âge.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
La nuit était
claire et sentait bon l’été, ç’aurait pu être une nuit de rêve si je n’avais
pas perdu mon meilleur ami, le seul... celui que j’aimais.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Je mis une
dizaine de minutes pour arriver en ville. Le plus dur allait être de pénétrer
dans le local à l’arrière de l’église et de trouver Billy, en espérant qu’il
n’y ait pas là d’autres morts sur lesquels je pourrais tomber, et encore moins
de gardien ou de chien qui veillerait sur les lieux. Je savais que le Révérend
n’y dormait pas, il habitait à quelques maisons de là. J’avais une trouille de
tous les diables, je repensais aux histoires effrayantes que j’avais lues dans
les <i>Strange Tales</i> de Vince et au film <i>Bride of the Monster</i> que
nous étions allés voir au cinéma à l’insu de nos parents.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
On peut dire que
j’eus de la chance ce soir-là : je trouvai une petite porte qui donnait à
l’arrière de l’église et qui n’était pas verrouillée, je n’eus qu’à me faufiler
à l’intérieur et à retrouver le petit salon dans lequel était exposé le corps
de Billy. C’était d’ailleurs le seul qui attendait pour être inhumé ce mois-là,
il n’y avait pas eu d’autres décès dans la ville. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Le cadavre était
étendu sur une sorte de table, contre le mur du fond, recouvert d’un drap. Il
n’avait pas encore été préparé pour l’enterrement. Comme je l’ai dit, il
faisait chaud ces jours-ci, et, bien que le bâtiment religieux soit
relativement frais, une odeur de putréfaction - heureusement encore légère -
flottait dans la pièce, mêlant des relents de viande avariée et de fruits
pourris. Je m’avançai malgré tout, avec dans le cœur je ne sais quel fol espoir
et une peur poignante. J’étais à deux doigts de toucher la table sur laquelle
il reposait, je pris une profonde inspiration et soulevai doucement un pan du
drap qui le dissimulait.</div>
<div style="text-align: justify;">
Le corps nu de Billy avait pris une teinte grisâtre, il était encore
raide bien que l’autolyse ait commencé : on voyait déjà que la texture de
la peau n’était plus la même. Le légiste de l’hôpital avait fait un assez beau
travail en l’embaumant en catastrophe avant de nous le rendre : la
cicatrice en Y était nette et fine, et il avait recousu la tête de Billy sur
son corps, si bien qu’hormis cette délimitation soulignée de fil, on aurait pu
croire qu’il n’avait jamais eu ce terrible accident. Il avait certainement eu
une grande quantité d’alcool dans le sang qui l’avait empêché de percevoir
toute l’horreur de la situation quand c’était arrivé, car ses traits étaient
détendus quoique figés. Sa beauté lui était malgré tout restée jusque dans la
mort, mais son expression était plus dure, moins insouciante. C’était Billy,
mais un Billy qui avait vu de terribles secrets : ceux de la vie et de la
mort.</div>
<i><b> </b></i><br />
<br />
<i><b>à suivre... </b></i></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> <span style="color: black;">- </span></span><span style="color: black;">Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
</div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/4LE2jmW9XdY" width="420"></iframe>
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> </span></span> </i></div>
Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-16521417496993484982015-02-14T19:28:00.000+01:002015-02-14T19:28:00.499+01:00Chapitre II : 1957 (partie 1)<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhiJSHlcZSZ9ob3uXQmozBWgoBTcpZRiZnLjvKBXM5TQvt2i_m9AgbRcK12lq_eeNa1vcV2FXIwhLDeAvFGXF8iBsSVPmvjNei2m3peKt6SE0XW1MgNjhioNxiadyDlMZs5hHF13bqopY7T/s1600/stl_zombies_1957car.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhiJSHlcZSZ9ob3uXQmozBWgoBTcpZRiZnLjvKBXM5TQvt2i_m9AgbRcK12lq_eeNa1vcV2FXIwhLDeAvFGXF8iBsSVPmvjNei2m3peKt6SE0XW1MgNjhioNxiadyDlMZs5hHF13bqopY7T/s1600/stl_zombies_1957car.jpg" height="320" width="320" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<i>Témoignage de
Rosemary Silver, recueilli le 12 janvier 1972, peu après que l’invasion
commence à devenir préoccupante - Dossiers du Capitaine McQueen.</i></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Billy LaFleur
Travaillait au garage du vieux Joe Crudup. Je me souviens que je passais
beaucoup de temps à le regarder. Au début, je m’arrangeais pour venir acheter
des bonbons à la station-service, surtout lorsque je venais d’avoir mon argent
de poche. Je tendais à Minnie Crudup, la femme de Joe, mon billet d’un dollar,
et comme elle n’y voyait rien - elle avait toujours refusé de porter des
lunettes - elle passait un temps fou à me rendre la monnaie en pièces de 25
cents.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Pendant ce
temps, je regardais Billy, là-bas, penché sous le capot des Studebaker, des
Lincoln, et autres caisses de l’époque, du cabriolet au pick-up en passant par
les tracteurs des fermiers des environs.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
L’arrivée de
Billy avait été un événement pour moi. Notre patelin du Missouri n’avait jamais
connu grand chose d’intéressant hormis la bataille de 1862. On avait une rue
principale, une bibliothèque, un <i>dinner</i>, une épicerie drugstore, une
mairie, un poste de police, un petit cabinet médical, un collège, un garage, et
des fermes, de nombreuses fermes et des champs. Il y avait aussi une espèce de
tripot un peu en dehors de la ville mais on<span style="mso-spacerun: yes;">
</span>n’en parlait pas. Puis aussi l’école et l’église. Je n’allais ni à
l’une, ni à l’autre de bon cœur.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
L’été de mes dix
ans, Billy LaFleur avait débarqué à Lone Jack, un jour, comme ça. Une ’55 Chevy
bleu ciel et noir - une 210 je crois - l’avait déposé sur le bord de la route
avec son baluchon, et il avait marché vers le garage du vieux Crudup, sur le
terre-plein poussiéreux, et avait demandé s’il y avait du boulot pour lui.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Billy était
mécanicien, Crudup était vieux : il lui fallait du renfort et il l’avait
engagé.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Alors, chaque
fois que je venais acheter des bonbons, je regardais Billy dans son débardeur
blanc maculé de cambouis, penché au-dessus des moteurs ou couché sous les
voitures. « Ça va, petit ? » me disait-il parfois de loin, pour
me saluer. Il ne s’était jamais approché assez pour voir que c’était
« petite », mais je ne peux pas lui en vouloir, j’étais un peu garçon
manqué.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
J’essayais de
venir le voir aussi souvent que possible, et quand je n’avais plus d’argent de
poche pour les bonbons, je me cachais dans la grange des Crudup, ou dans les
bosquets derrière la station, pour l’observer. Il était tellement absorbé par
ses réparations que je crois bien qu’il n’a jamais rien remarqué. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Billy sortait
avec Suzanne, la fille des McNally qui possédaient le drugstore. Suzanne était
blonde et, comme toutes les Suzanne de la terre - du moins dans mon esprit -
avait des taches de rousseur. Ses yeux étaient noirs et soulignés de mascara,
sa bouche rouge comme un coquelicot. Lorsqu’elle sortait, elle ajoutait sur ses
paupières un trait d’eye-liner qui rendait son regard encore plus troublant.
Elle portait une frange rehaussée par un un serre-tête, qu’elle assortissait à
ses tenues : rose un jour, bleu le lendemain. Je crois même me souvenir
que ses socquettes étaient assorties aussi.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Suzanne ne me
remarquait jamais non plus, et elle ne me disait jamais bonjour lorsque je la
croisais au drugstore où je venais avec ma mère : les gosses ne
l’intéressaient pas, je l’avais entendue le dire à ses copines un jour où elles
s’étaient réunies pour papoter et regarder les garçons, assises sur le banc en
face du cinéma, attendant le début de la séance comme chaque samedi après-midi.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Minnie Crudup
avait fini par me proposer de venir à la station pour nettoyer les pare-brise
des clients. Elle devait trouver que je dépensais trop d’argent de poche en
bonbons et voulait m’en faire gagner un peu. Elle avait obtenu sans peine
l’accord de mes parents qui la connaissaient bien et qui pensaient de même.
Chaque jour en sortant de l’école je courais donc là-bas pour gagner quelques
cents, et comme il ne passait pas trop de monde, je restais surtout assise à
côté de l’entrée à regarder Billy, occupé au garage. Je venais aussi le samedi
puisque je n’avais pas classe.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Tous les samedis
soirs après le boulot, Billy LaFleur se préparait pour aller chercher Suzanne
et l’emmener danser à Independance, qui se trouve à peine à une demie heure de
chez nous. Maintenant que j’étais « de la maison », Billy me faisait
un peu la causette et me laissait parfois lui tenir compagnie pendant qu’il
s’apprêtait.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Avant de passer
sa chemise, il se campait devant le miroir du garage avec son peigne et sa
brillantine et, tout en écoutant les tubes d’Elvis et de Gene Vincent qui
passaient sur radio KMOX, il se faisait une banane de tous les diables, aussi
lisse et luisante que la carapace d’un scarabée d’or. Billy avait la mâchoire
carrée, un nez assez petit et retroussé, une bouche aux lèvres charnues, et des
yeux bleus rieurs. Il était grand et mince, et plutôt musclé. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Et donc, chaque
samedi soir, il empruntait la Roadmaster Skylark du vieux Crudup, une superbe
décapotable de 1953, rouge et rutilante, et partait chercher Suzanne. « Á
lundi, gamin ! » me criait-il avec son accent du Midwest avant de
disparaître dans un nuage de poussière.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
En général, je
le revoyais avant le lundi : il m’arrivait de faire le mur à l’insu de mes
parents et d’aller planquer derrière la station aux petites heures du matin
pour le voir rentrer de virée. Billy avait sa chambre au-dessus de chez les
Crudup et on y accédait par un petit escalier extérieur.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Souvent, après
avoir déposé Suzanne, il garait tant bien que mal la Buick du vieux, et je le
voyais en descendre, titubant, les cheveux en bataille, paraissant encore plus
mince dans ses pantalons collants à imprimé léopard, ses bottines de cuir
pointues, et sa chemisette de bowling déboutonnée. Parfois, il poussait le vice
jusqu’à porter des chaussures en daim bleu, mais en général, c’étaient les <i>gegenes</i>
en cuir noir. De temps en temps il revenait avec un œil au beurre noir, une
lèvre fendue, une mâchoire bleuie et les phalanges écorchées : les gars du
coin n’aimaient pas trop Billy LaFleur. Pour ces gros péquenauds mal dégrossis,
- ceci dit sans préjugés, mes parents étaient fermiers à Lone Jack et c’étaient
de bonnes personnes très respectables - le beau garçon représentait quelque
chose qu’ils ne comprenaient pas et qui les dérangeait.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Durant la
semaine ils le ménageaient - Billy réparait leurs bagnoles, leurs motos, leurs
scooters et, comme je l’ai déjà dit, les tracteurs de leurs parents - mais
pendant les sorties du week-end, ils faisaient dès que possible payer à
« cette tarlouze débarquée d’on ne sait où » l’outrecuidance dont il
faisait preuve en s’affichant au bras de la plus jolie fille du coin avec son
pantalon léopard.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
C’est pas
évident d’être la <i>gueule d’amour</i> locale, maintenant que j’ai grandi et
embelli je le sais. À l’époque par contre, compte tenu de mes dix ans et de mon
allure de sale gosse, personne, et encore moins Billy, ne s’intéressait à moi.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Plein de bière
et de whisky, la tête remplie d’airs à la mode, Billy rentrait donc toujours
très tard de ses virées du samedi. Un jour qu’il était trop saoul pour grimper
seul l’escalier, je sortis de ma retraite et le soutins tandis qu’il montait se
mettre au lit.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Merci...
gamin ! T’es... un su...per gamin ! » hoqueta-t-il, exhalant une
haleine à faire tomber les mouches tandis que je l’aidais à s’affaler sur son
canapé et lui retirai ses bottines.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Même
complètement bourré, Billy LaFleur n’avait jamais d’idées tordues ou malsaines.
Ainsi, je le retrouvais souvent le samedi pour l’aider à se mettre au lit et à
désinfecter ses blessures quand il en avait - et il en avait fréquemment.</div>
<div style="text-align: justify;">
Je m’arrangeais toujours pour que mes parents ne remarquent pas mon
absence, et comme le dimanche on me laissait dormir un peu plus longtemps même
s’il fallait se lever pour aller à la messe, je pouvais rentrer discrètement...
et rattraper mon manque de sommeil pendant les sermons du Révérend Wilkins,
durant lesquels il m’arrivait aussi de me faire sermonner par ma mère et ma
grand-mère Peggy, entre lesquelles j’étais assise.<br />
</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
<div style="text-align: right;">
<i><b>à suivre... </b></i></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> <span style="color: black;">- </span></span><span style="color: black;">Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></span> </i><span style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"></span><br />
<span style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"><br /></span>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
</div>
<div style="text-align: center;">
</div>
<div style="text-align: center;">
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/lM73k5KAdlM" width="420"></iframe>
<span style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"><br /></span></div>
</div>
Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-62793494740345609952015-02-13T19:28:00.000+01:002015-02-13T19:28:00.092+01:00Chapitre I : 1977 (partie 5)<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgDB5YGRwCBwrckj0tIdWrDXbJnVtW6NilSwXhMNKPFFjk8G3f4kuIb0-Kqb9L6bqCMRgzp_zSbVC5hE-CwWt6QTIX91U6MPoZZX7kZVP1Iu-eq9JFBpsC-MXwqY_AQZLwWFGpWLSS4W05x/s1600/stl_zombies_05.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgDB5YGRwCBwrckj0tIdWrDXbJnVtW6NilSwXhMNKPFFjk8G3f4kuIb0-Kqb9L6bqCMRgzp_zSbVC5hE-CwWt6QTIX91U6MPoZZX7kZVP1Iu-eq9JFBpsC-MXwqY_AQZLwWFGpWLSS4W05x/s1600/stl_zombies_05.jpg" height="320" width="320" /></a></div>
<span style="font-family: inherit;">Ils atteignirent
le véhicule sans encombres. Reiko enjamba les cadavres des deux morts-vivants
qu’elle avait tués, jeta un œil à l’intérieur de la Mustang.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« C’est
bon. Ouvre la portière. Bascule le siège pour que je l’allonge à l’arrière,
Nick. <span lang="NL" style="mso-ansi-language: NL;">S’il te plaît. »</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Elle employait
volontairement des phrases brèves et un ton calme, pour faire passer ses
directives sans éveiller la panique et sans risquer d’être contrecarrée. Le
gamin s’exécuta. Elle se pencha à l’intérieur de la voiture et allongea Happy
inconsciente sur la banquette.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« Je peux
m’assoir là ? Je voudrais rester près d’elle.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">— Non. Tu
t’assieds devant, à côté de moi. »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Elle avait dit
cela d’un ton sec et il n’osa pas protester. Il savait qu’elle avait peur pour
lui. Il savait que Happy finirait par se transformer, qu’elle était
irrémédiablement infectée à cause de la sale morsure que lui avait infligée
cette gamine pourrie, là-bas dans la boutique. Il s’en voulait de ne pas
l’avoir vue venir, de n’avoir pas su protéger Happy. Il voulait rester un peu
avec elle avant de la perdre complètement. Il dévisagea Reiko, tendant vers
elle son innocent visage d’ange, et lui opposa un irrésistible regard de chiot
triste.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« Tu
m’emmerdes ! J’ai pas le temps de me disputer avec toi, il faut qu’on
parte ! Ok, ok, assieds-toi près d’elle... mais reste en alerte. Dès
qu’elle te semble devenir bizarre... tu vois ce que je veux dire : tu me préviens. »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Elle s’installa
au volant, orientant le rétroviseur de manière à voir non pas la route dans
leur sillage, mais les deux gosses sur la banquette, puis elle démarra. L’air
passait par le pare-brise arrière et faisait voleter les cheveux de Nick, penché
sur le visage de Happy. Il avait posé la tête de la jeune fille sur ses genoux
et elle était allongée sur lui, toujours évanouie. Il ne la quittait pas des
yeux. Malgré toute l’horreur, malgré le fait qu’il allait devoir se séparer
d’elle, en cet instant, là, dans l’habitacle de la Mustang, avec sa princesse,
avec Reiko qui veillait sur eux, avec la vitesse et le vent qui les emportaient
loin des zombies, il se sentait bien. Il posa ses lèvres sur celles de Happy
quelques secondes, pensant que si elle était éveillée elle le giflerait sans
doute, puis il leva la tête et regarda la route, tout en caressant doucement la
chevelure rousse de la jeune femme. Peut-être que c’était juste un cauchemar,
peut-être qu’il allait se réveiller, qu’il allait reprendre le cours de sa vie,
grandir, devenir un homme, épouser Happy... </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Les phares de la
Mustang éclairaient l’asphalte qui défilait à toute allure. Reiko semblait
statufiée, si ce n’étaient ses longs cheveux bruns que le courant d’air faisait
voler. Il se demanda si elle l’avait vu embrasser Happy, et se dit que si
c’était le cas, il lui était reconnaissant de faire semblant de rien. Il
s’endormit, appuyant sa jolie tête contre le dossier.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
<span style="font-family: inherit;">*</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Reiko, focalisée
sur la route et la nécessité d’avaler les kilomètres, fut tirée de sa
concentration par un râle étrange et regarda aussitôt dans le rétro. Elle y vit
Nick endormi, et une main mortellement blanche qui montait lentement vers son
visage.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« NICK !!! »
s’exclama-t-elle. « NICKY !!! ATTENTION !!! »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Le gamin ouvrit
brusquement les yeux et eut juste le temps de voir les mains de Happy venir
entourer son visage tandis qu’elle se jetait sur lui pour le mordre. Il rejeta
la tête en arrière, la repoussant de ses deux bras, mais elle s’agrippa à son
crâne et tenta encore de le mordre à la gorge. Il réussit à la maintenir à bout
de bras, plaquant ses mains sur le front et le menton de la jeune rouquine mais
elle se débattait comme une diablesse malgré ses réflexes amoindris par la
mort.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Reiko stoppa le
coupé dans un dérapage sonore et se précipita à l’arrière. Elle arracha presque
le siège conducteur en le basculant et saisit Happy par sa jambe valide avant
de la tirer hors du véhicule. La morte-vivante ne lâchait pas sa proie, si bien
qu’elle attira Nick avec elle à l’extérieur. Il hurlait comme un perdu, se
débattant pour desserrer son étreinte, et la chose qui avait été Happy hurlait
aussi, à sa manière de zombie, se débattant pour échapper à la poigne de fer de
Reiko. Cette dernière la plaqua enfin au sol et, prenant son visage entre ses
mains, cogna le crâne de la jeune fille contre le bitume. Nick restait à
genoux, hébété, entre la voiture et les deux jeunes femmes. Reiko était folle
de rage. Elle était folle de rage parce qu’elle était responsable de Happy, et
qu’elle l’avait laissée se faire contaminer. Elle était folle de rage non pas
contre la jeune fille mais contre elle-même. Elle était folle de rage contre
cette infection, et folle de rage à la vue de son échec. Elle cogna et cogna
encore la tête de la morte contre le sol. L’arrière du crâne de Happy éclata et
son cerveau se répandit sur la route. Ses mains aux doigts crispés se
détendirent et lâchèrent les épaules de Reiko qu’elle était en train de
labourer de ses ongles, découvrant un peu plus de la surface mercurielle, avant
de retomber inertes sur le goudron.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Reiko resta
penchée sur Happy et regarda le beau visage redevenu serein. Elle était
dissimulée derrière ses cheveux bruns, mais Nick pouvait voir son dos se
soulever sous les sanglots et les larmes tomber en pluie argentée sur le
cadavre.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Une expression
désespérée se peignit sur sa petite frimousse et ses lèvres boudeuses se
tordirent de peur. « Reiko, » murmura-t-il, « Reiko ». Elle
se tourna vers lui. « Elle m’a mordu, » annonça-t-il en se tenant le
bras, tendant son poignet vers la jeune femme.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Elle se leva
lentement et s’approcha de lui. « Viens, » dit-elle en lui tendant la
main. « On s’en va d’ici. »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Il regardait
dans le vide silencieusement, les yeux rougis, et semblait choqué. On l’aurait
été à moins. Elle l’installa à côté d’elle sur le siège passager, redescendit
de la voiture, sortit une bâche du coffre, y enroula le cadavre de Happy
qu’elle sortit du milieu de la route, avant de l’allonger délicatement sur le
bas-côté, puis elle l’arrosa d’essence et marmonna une prière avant de craquer
une allumette. Elle reprit le volant et démarra, jetant un coup d’œil au
brasier tandis que la voiture s’éloignait. Nick était toujours dans un état second,
elle le secoua : « Prends la trousse à pharmacie dans la boîte à
gants et désinfecte toi. On va voir si ça peut t’éviter une contamination
trop rapide. »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
<span style="font-family: inherit;">*</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">C’était le
matin. Ils avaient roulé quelques bons kilomètres et Nicky, sorti de sa
torpeur, avait passé la moitié du temps à regarder vers l’arrière, où le soleil
se levait. Il savait qu’il allait mourir, et Reiko savait qu’il allait mourir.
Il se renfonça dans le siège et la regarda. Elle arrêta la voiture sur
l’accotement et le regarda aussi. Ils se sourirent. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« Tant
pis, » murmura-t-il, « c’était bien de te connaître. » </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Elle le serra
contre elle et attendit. Un peu d’air doux filtrait par la lunette arrière et
leur caressait les cheveux. Il faisait bon. Ç’aurait pu être les vacances.
L’endroit était calme et désert. Tranquille. Au bout d’une heure à le tenir ainsi,
endormi contre elle, elle perçut sa respiration qui s’arrêtait. Elle le
redressa et lui pencha la tête en arrière, soulevant ses paupières d’un doigt
délicat. Les jolies prunelles bleu vif étaient devenues vitreuses et grises,
les lèvres en pétales de roses, entrouvertes sur ses jolies dents, prenaient
une teinte bleuâtre tirant elle aussi sur le gris. Elle l’allongea sur ses
genoux, gardant les mains autour de son visage, contre les pommettes bien
dessinées, sentant le velours des joues qui devenait glacé. Il s’écoula à peine
quelques minutes de ce statu quo pesant et il commença à remuer les bras de
cette manière caractéristique qu’ont les zombies de bouger lentement et
mécaniquement. Il ouvrit les yeux et les posa sur elle. C’était le désert dans ces
yeux-là maintenant. Elle fit glisser ses mains le long de ses joues et les
plaqua autour de sa gorge avant de serrer. Son cœur lui aussi se serra tandis
qu’elle s’obligeait à détruire ce qu’elle avait chéri. Elle sentit les
vertèbres se briser et la trachée s’effondrer sur elle-même tandis que le petit
zombie essayait de bouger et de la mordre. Les doigts de Reiko, qui n’étaient
pas faits d’une matière humaine, serrèrent si fort que la tête du petit cadavre
ne fut bientôt plus reliée aux épaules que par un peu de peau et de muscles
déchirés.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« Pardon, »
murmura-t-elle tandis qu’elle portait le corps inerte dans le fossé en
contrebas de la route. Elle abaissa sur le visage du mort la capuche de son
sweat rouge sombre, elle distinguait à peine les traits du gosse à travers les
larmes qui inondaient ses yeux. Elle déposa un baiser sur son front, se releva,
essuya ses yeux sur sa manche, puis arrosa le cadavre d’essence comme elle
l’avait fait avec celui de Happy. Elle posa le jerrican à moitié vide à ses pieds
et sembla prier un moment. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Le soleil
régénérateur lui tapait dans le dos et Nick aurait été intrigué de voir que sa
chair se refermait peu à peu en rampant sur la pellicule argentée. Elle
pleurait encore. D’une certaine manière, elle était contente que la
cicatrisation soit douloureuse : elle aurait voulu oublier son chagrin, ne
plus rien sentir d’autre que cette douleur dans le dos. Elle craqua une
allumette et la jeta aux pieds de la dépouille, qui s’embrasa aussitôt. Elle se
recueillit encore un moment devant la flamme qui détruisait le petit corps
tandis que les feux du soleil reconstruisaient le sien, puis elle ramassa le
jerrican, le rangea dans le coffre de la Mustang et recommença à rouler. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Elle prit la
direction de l’enclave 7 où, compte tenu de l’échec cuisant qu’elle venait
d’essuyer, l’attendraient sans doute des instructions remises à jour. Elle
entendait déjà son supérieur, le successeur du Capitaine McQueen :
« Lieutenant Morrison, ce n’est pas encore grâce à vous qu’on sauvera l’humanité.
Toutefois vous allez devoir repartir : voici le nom, le lieu et le plan.
Bonne <span style="font-size: small;"><span style="font-family: inherit;">chance malgré tout. »</span></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="font-family: inherit;">Elle soupira, fixant l’horizon sans conviction, le ruban d’asphalte se
déroulait devant elle. En attendant, les zombies couraient toujours le monde,
de plus en plus nombreux.</span></span></div>
<span style="font-family: inherit;"><br /></span>
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"><br />
</span></span><br />
<div style="text-align: right;">
<i><b>à suivre... </b></i></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> <span style="color: black;">- </span></span><span style="color: black;">Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
</div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> </span></span> </i><iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/a_426RiwST8" width="560"></iframe></div>
Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-20167712229003623812015-02-12T19:28:00.000+01:002015-02-12T19:28:00.708+01:00Chapitre I : 1977 (partie 4)<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjqE03K2CzcVkxDIfdFNMgzjt2p5PhHG_eTyOZGx-QhkJ8CEWC1R_30oebyoeKlXrKfa8mXCB7QzehRCUnuCDn63865IRWj2hUfwr8NeZGaV9dsQccSEieXtDrQgPBH4EUlTNbPd2SQaxiQ/s1600/stl_zombies_04.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjqE03K2CzcVkxDIfdFNMgzjt2p5PhHG_eTyOZGx-QhkJ8CEWC1R_30oebyoeKlXrKfa8mXCB7QzehRCUnuCDn63865IRWj2hUfwr8NeZGaV9dsQccSEieXtDrQgPBH4EUlTNbPd2SQaxiQ/s1600/stl_zombies_04.jpg" height="320" width="320" /></a></div>
Elle hurla en
s’appuyant sur ses mains pour se redresser, s’arc-boutant pour parvenir à se
remettre debout, et on eût dit un titan fait de roc, s’extirpant de sa gangue.
Elle se releva, furieuse, projetant à terre le zombie qui lui avait entamé le
dos. Il devait être récent, celui-là, il n’avait pas grand-chose de commun avec
l’autre, la créature en lambeaux qui la dévisageait avec un sourire
squelettique, d’un air de dire « Je t’ai dupée ». Il devait être
jeune et sa charpente encore costaud laissait présager le pire.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Elle ne
réfléchit pas longtemps, tira le pistolet de la pompe à gasoline et s’en servit
comme d’un fléau d’armes qu’elle balança en travers du facies du premier
cadavre avec une telle force qu’elle lui fit sauter la tête, qui roula comme un
vieux pamplemousse pourri et alla rejoindre la Winchester sous la voiture.
« Ça, ça va te couper l’envie de te foutre de moi. »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Déjà, le zombie
le plus frais s’agrippait à ses épaules et à ses cheveux, poussait des râles
dans lesquels elle percevait encore un peu de sa voix vivante. Sa tête à lui
n’allait pas se détacher aussi facilement, elle voyait les muscles puissants de
son cou qui se tendaient encore vers ses trapèzes proéminents. Il avait une
large blessure au côté gauche, entre l’épaule et le sein, et elle voyait que
son sang était encore un peu rouge. Il avait dû rejoindre la horde des morts
depuis moins d’une dizaine d’heures. Son dos la brûlait là où il avait arraché
la peau. Il allait falloir subir ça jusqu’à l’aube. Il portait une chemise de
bowling et un blouson léger en gabardine, un pantalon à pinces et une chaussure
à lacets – il avait dû perdre l’autre dans la bagarre. Très années 50. Elle se
souvint des premiers zombies, justement c’était une vingtaine d’années
auparavant, à l’époque les cas étaient rares et isolés, l’infection se
répandait au ralenti. Le jour où il lui en avait fait l’historique, son chef lui
avait montré les photos du cadavre de Billy LaFleur : « C’était
vraiment un beau gosse, et il était brave comme tout. Dommage qu’il ait fallu
le tuer, la petite Rosemary avait été inconsolable, » avait dit le Capitaine
McQueen.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Merde !
Merde ! » dit-elle en sortant de son instant d’absence. Elle regarda
la bouche grande ouverte s’approcher de son visage, toutes dents dehors, tandis
que les mains puissantes du mort agrippaient son cou, serrant de plus en plus,
serrant presque jusqu’à l’étouffer… et lui balança un coup de tête. Le
craquement se répercuta de son front à sa nuque, vibrant dans ses vertèbres,
c’était atrocement douloureux mais c’était bon : elle lui avait défoncé le
nez, l’enfonçant dans le cerveau. L’étreinte se desserra légèrement et elle en profita
pour passer ses doigts à travers les os brisés, les plongeant rageusement à
travers la matière grise qui ne palpitait plus, comme à l’intérieur d’une
citrouille trop mûre, et en ressortit une poignée de cervelle, ainsi qu’un œil
qui pendouillait au bout du nerf optique, qu’elle projeta au sol avec dégoût.
Elle y retourna et vida complètement l’intérieur du crâne du zombie avant de le
repousser contre la pompe à essence. Le grand corps glissa lentement au sol,
rejoignant les restes de son compagnon.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Elle se sentait
épuisée et s’agenouilla un instant devant ses ennemis tombés, secouée par des
sortes de sanglots muets. Elle passa une main sur son front meurtri et en
retira un lambeau de peau transparente. « Merde ! »
souffla-t-elle en caressant la surface lisse et brillante de son visage. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Elle récupéra la
Winchester sous la Mustang, se releva et regarda autour d’elle, puis tandis
qu’elle entreprenait d’inspecter l’intérieur de la Ford, une sorte de fracas
parvint à ses oreilles : il venait de la station.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Nick et Happy
commençaient à se calmer un peu, blottis l’un contre l’autre sous la caisse
enregistreuse. Ils étaient vannés, courbaturés, et avaient besoin de dormir.
Happy s’assoupit la première, tandis que Nick montait la garde, fixant la baie
vitrée avec attention, et vérifiant régulièrement dans son rétroviseur que
personne n’assaillait l’entrée. Il pensait à Reiko, il voyait vaguement sa
silhouette dans le rétro, elle arrivait presque à la pompe, devant la voiture. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
C’est à ce
moment qu’une plaque de polystyrène se détacha du plafond de la boutique et
s’écrasa au sol juste à côté du cadavre du gros zombie.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Qu’est-ce
que c’est ? » sursauta Happy. Ils se relevèrent tout doucement,
pointant leurs têtes au-dessus du comptoir. Il n’y avait rien, juste un trou
béant dans le plafond, à l’endroit d’où la plaque était tombée. Le courant
d’air faisait voleter de la poussière et des petits gravats qui sortaient de
l’isolation avec un petit frottement désagréable à entendre pour les deux
jeunes qui étaient déjà sur les nerfs.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ils se levèrent
et, Happy en tête, le Luger au poing, se dirigèrent vers le trou pour vérifier
qu’il n’offre pas de passage depuis l’extérieur. Nicky venait en second,
protégeant leurs arrières en brandissant la batte au bout de laquelle se
trouvait toujours le rétroviseur.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Happy se haussa
sur le rebord d’un rayonnage pour jeter un coup d’œil vers la trappe. Elle
tendit son corps vers le plafond, pointant le revolver devant elle, tandis que
Nick, dos à elle, surveillait l’intérieur du magasin. « Je ne vois rien,
on dirait que c’est vide. C’est sans doute le courant d’air qui a joué sur
une plaque mal scellée, » commenta la jeune fille.<span style="mso-spacerun: yes;"> </span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Une toute petite
main sortit alors de derrière le présentoir, lui agrippa la cheville et, tandis
que par réflexe elle balançait un coup de pied dans le vide en criant, une
petite créature se jeta sur elle, lui mordant la jambe. Complètement
déséquilibrée, Happy lâcha le présentoir et s’étala à plat dos sur le sol
jonché de débris. Le Luger vola à travers la pièce et Nick hurla, se retournant
face à la gamine qui s’était jetée sur Happy et la matraquant avec sa batte de
base-ball. Il ne s’arrêta que lorsqu’il eut réduit son crâne en bouillie, la
laissant sur le sol comme une poupée de chiffon tandis que la jeune rouquine
allongée par terre se tenait la jambe en pleurant.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Elle a dû
sauter quand la plaque est tombée… On ne l’a pas vue… Merde, merde,
merde, » gémissait-elle. « Reiko… Reiko… »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Nick la prit par
les épaules : « Assieds-toi, ne bouge pas, » la rassura-t-il,
arrachant un fragment de robe, qui autrefois avait dû être rose, à la fillette
zombie gisant près d’eux. Il avait posé la batte maculée de sang et de chair
corrompue à ses pieds. La blessure de Happy faisait peur à voir, on aurait dit
qu’un molosse lui avait arraché le mollet, mais la plaie était infectée, d’une
couleur brunâtre aux vagues reflets couleur de souffre et elle sentait déjà
mauvais. Il lui fit un garrot sous le genou avec le lambeau de tissu. La jeune
femme ne disait plus rien, elle pleurait en le regardant, de grosses larmes
roulaient sur ses joues parsemées de taches de rousseur et elle était plus pâle
encore que d’habitude. Nick vit que les prunelles de son amie s’écarquillaient
alors qu’elle regardait derrière lui, et juste à ce moment il entendit un
frottement contre le sol, un frottement de pas. Il saisit doucement la batte et
pivota sur lui-même.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Un adolescent se
tenait là. Du moins ce qu’il en restait. Il avait dû tomber du plafond avec la
fillette. Ils étaient malins. Ils s’étaient cachés pour les surprendre alors
que les autres étaient tous partis. De son œil valide, il regardait Happy, puis
Nick, puis le cadavre de ce qui avait dû être sa petite sœur, puis de nouveau
Happy. Il avança encore un peu, il ne regardait plus Nick, ni la gamine morte.
Il fixait Happy. Elle-même n’arrivait plus à bouger. Elle respirait doucement.
Seul le corps de Nick subsistait entre elle et le monstre.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Nick pensa à
Reiko. Il pensa au type avec les griffes. Il pensa qu’il était un chevalier. Il
puisa de la force dans cette pensée et se redressa lentement, tenant fermement
le manche de sa batte de base-ball, ne quittant pas du regard l’adolescent
zombie. Il portait un Teddy bordeaux avec des manches jaune moutarde, pour
autant qu’on puisse deviner leur couleur, et une casquette de base-ball. Son
jean déchiré et sale laissait apercevoir des jambes maigres, dont l’une n’était
plus que des os sur lesquels quelques fragments de chair s’entêtaient à tenir.
Il émit un borborygme étrange. Nick comprit que cela voulait autant dire
« Je vais vous tuer » que « Délivrez-moi de ça ». Il
ressentit un instant une sorte de pitié pour ces créatures, une sorte
d’empathie, puis l’adolescent changea, le vague relent d’âme qui l’avait
traversé disparut et il s’avança vers Nick. Mais ce n’était pas Nick qu’il
voulait, Nick était un obstacle : il venait vers Happy.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
La devanture
vitrée vola en éclats, explosant sous les tirs de Winchester, et Reiko bondit à
l’intérieur de la boutique. De là où elle se tenait elle ne voyait que Nick et
l’adolescent mort qui s’avançait vers lui, elle n’hésita pas, visa et tira. La
tête du zombie explosa.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Reiko ! »
s’exclama Nick en se retournant. « Oh mon Dieu, j’ai cru que tu ne
reviendrais jamais ! »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Elle se
précipita vers lui et le serra dans ses bras.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Il n’y en
a pas d’autres ? Où est Happy ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Tout en secouant
la tête pour répondre à la première question, Nick désigna Happy, assise par
terre, adossée au rayonnage. Elle semblait faible mais il y eut une lueur de
soulagement dans ses yeux lorsqu’elle dévisagea Reiko. Elle bougea un peu la
main, comme pour faire un signe.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Elle est
épuisée, dit Nick.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Je vais la
porter jusqu’à la voiture. Elle a été mordue ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Nick hocha la
tête. Reiko se pencha sur Happy et regarda sa blessure. Ce qu’elle vit ne lui
fit pas plaisir. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il y avait une
affiche du film <i>The Endless Summer</i> sur l’un des murs pleins du magasin,
elle la remarqua seulement à cet instant. Elle avait toujours adoré cette
affiche et ce film et maintenant, comme elle levait les yeux de la meurtrissure
qui noircissait la jambe de la jeune femme, elle tombait dessus. Ces choses lui
paraissaient dérisoires à présent, et au lieu de la réconforter, cette vision
fit monter en elle une vague de haine à l’idée que tout était fini : le
monde était fini, et le surf et les étés avec.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Ton dos
est tout bizarre, » dit Nick, en regardant la peau brillante du dos de
Reiko que le zombie avait labourée. Aux endroits les plus atteints, l’épiderme
avait sauté et la chair ressemblait à du chrome liquide, comme de la lumière
vivante. Il se frotta les yeux et se dit qu’il était fatigué, qu’il faisait
nuit, qu’on voyait mal. Happy levait péniblement les yeux vers Reiko qui se
penchait pour la soulever. Elle vit le front brillant de la femme sous les
égratignures, derrière les mèches de cheveux bruns, et la même lumière sous sa
pommette blessée, puis elle s’évanouit dans ses bras.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Prends la
batte, prends la Winchester. Reste contre moi, » ordonna calmement Reiko à
Nicky en se relevant, portant Happy dans ses bras avec autant de facilité que
si la jeune fille était un nourrisson. « Viens, on sort. On va vers la
Ford. » </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: right;">
<i><b>à suivre... </b></i></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> <span style="color: black;">- </span></span><span style="color: black;">Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b> </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
<br />
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/Yzh4i0u5Gto" width="420"></iframe>
</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-10412857797276459472015-02-11T19:28:00.000+01:002015-02-12T09:48:25.161+01:00Chapitre I : 1977 (partie 3)<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjvOt3kiT_E3z7HVEM-1cqvuwY3H9aXlIubuSwAs9ggAgxg-jvMPlDpp0ZKcci_5CYJAYJ8EZmZEkLS8rdVTAmduIQD1ntZKnhw3l1IOQ9q-Slz8LwP0yhXN3Smiqr0oKif6uZ8HD3FU-CV/s1600/stl_zombies_03.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjvOt3kiT_E3z7HVEM-1cqvuwY3H9aXlIubuSwAs9ggAgxg-jvMPlDpp0ZKcci_5CYJAYJ8EZmZEkLS8rdVTAmduIQD1ntZKnhw3l1IOQ9q-Slz8LwP0yhXN3Smiqr0oKif6uZ8HD3FU-CV/s1600/stl_zombies_03.jpg" height="320" width="320" /></a></div>
<span style="font-family: inherit;">« Tu crois
qu’ils pensent ? » lui avait demandé Nicky quelques jours auparavant.
Elle lui avait répondu que non, qu’ils se souvenaient simplement, et qu’ils
étaient animés par ces souvenirs, comme des vieilles machines dans une usine
abandonnée qui répètent inlassablement les mêmes gestes jusqu’à ce que la
rouille finisse de les gripper. Mais elle n’en était pas si sûre, ils étaient
si rusés et conservaient, malgré toute l’horreur qu’ils inspiraient, un sens de
l’humour et de la parodie qui l’impressionnait. Soit ils pensaient encore, et
auquel cas l’horreur de leur condition les rendait peut-être fous, soit le
marionnettiste qui dirigeait leurs carcasses était à sa façon un grand comique.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">La créature fit
mine de se lever et Reiko enfonça avec une telle force la crosse de son fusil à
travers son visage, écrasant les os et brisant l’arrière du crâne, qu’elle en
fit ressortir des morceaux de cervelle grise et corrompue qui maculèrent le mur
et ses faïences autrefois blanches dans un bruit rappelant celui que ferait une
pastèque pourrie s’écrasant au sol, avant que son arme même ne heurte la paroi,
fendillant les carreaux. Elle évitait toujours de tirer, préférant ne pas
faire de bruit.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">La chose
s’effondra mollement sur le siège des toilettes et Reiko, extirpant le manche
de la Winchester de cette gangue infecte, essuya l’arme sur les hardes qui
couvraient encore le mort.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« Putain de
saloperie, » souffla-t-elle entre ses dents.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Elle se retourna
d’un coup, alertée par un bruit de course au-dehors, et sortit rapidement des
toilettes. Elle aperçut Happy qui s’élançait vers la boutique dans laquelle
Nick venait de s’engouffrer.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« C’est pas
vrai ! Qu’est-ce qu’ils foutent ! » grogna-t-elle avant de
courir les rejoindre.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Happy était arc-boutée
contre la porte de la supérette, regardant Nick qui cherchait de quoi la
bloquer, et se retourna à l’appel de Reiko qui tentait d’ouvrir. Elle lui fit
place et referma derrière elle, plaçant une chaise contre la poignée. Ils
venaient juste de quitter la citerne et l’odeur de gasoil de leurs vêtements
trempés était si forte que Reiko ne pouvait pas sentir si des créatures se
terraient dans la boutique.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« Vous êtes
dingues ou quoi !?! Je vous ai dit de m’attendre avant de sortir !</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">— Mais on n’en
pouvait plus ! Et puis c’est <i style="mso-bidi-font-style: normal;">safe</i>
ici !</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">— C’est ‘safe’
rien du tout ! Je n’ai pas encore eu le temps de vérifier
l’échoppe ! »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Nick et Happy se
regardèrent, les yeux écarquillés par le doute.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« Où sont
vos masques à gaz ?</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">— On les a
laissés dans la citerne…</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">— Dans la
citerne ? Tu veux dire même pas sur le toit ?</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">— Bin… on les a
jetés en sortant. »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Reiko pensa aux
masques baignant dans le gasoil, désormais inutilisables même si elle les
récupérait. Il devait rester une heure de réserve dedans. Elle haussa les épaules.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« Peu
importe, on n’en est plus là. Vous en avez croisé en venant du camion
jusqu’ici ? Ils vous ont vus ?</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">— Non, je ne
crois pas, » balbutia Nick en hochant la tête.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><i style="mso-bidi-font-style: normal;">Il ne croit pas</i>, se répéta-t-elle,
levant les yeux au ciel intérieurement en fixant le gamin. Il la regardait par
en-dessous, ses grandes prunelles bleues ourlées de longs cils soyeux voilés
par sa frange brune. Elle vit que les bords de ses paupières étaient rougis,
comme s’il avait envie de pleurer, et elle sut qu’il se retenait pour impressionner
Happy : à treize ans on ne chouine plus comme un bébé et il fallait être
un homme. Malgré son humeur elle prit une profonde inspiration et lui sourit
gentiment. Deux petites fossettes apparurent sur les joues du petit, remontant
adorablement ses pommettes lorsqu’il lui rendit son sourire. Il deviendrait un
bel homme : elle se dit que ses parents seraient fiers de lui, puis elle
pensa qu’elle aurait bien aimé avoir un fils comme lui si elle avait eu des
enfants… et un bruit traînant la ramena à la réalité.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Le zombie était
énorme, il se tenait derrière Happy, avançant avec une sorte de claudication,
comme si une de ses jambes était brisée. Il devait faire dans les deux mètres
de haut, et pas loin de cent-trente kilos. Il portait une chemise à carreaux
qui avait dû être dans des tons de bleu mais qui à présent était maculée de
terre, de poussière et de vieux sang séché, sans parler des déchirures croûtées
de moisissure. La décomposition avait abîmé son visage, qui s’affaissait
légèrement sur lui-même, et son crâne au sommet chauve était couronné de
cheveux longs, poisseux et sales, qui descendaient sur son col. <i style="mso-bidi-font-style: normal;">C’est lui, c’est le conducteur de la citerne</i>,
pensa Reiko. Il arborait un étrange rictus en regardant le dos frêle et blanc
de Happy et ses longs cheveux lisses et roux. Un rictus dans lequel se mêlaient
l’expectative simple qui animait les zombies : celle d’un bon repas qui,
en addition s’ils n’étaient pas trop gourmands, ramènerait probablement dans
leurs rangs dévastateurs une nouvelle recrue, et autre chose de typiquement
masculin, que Reiko interpréta comme une réminiscence de désir.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span lang="EN-GB" style="mso-ansi-language: EN-GB;">« HAPPY !!!! DERRIERE
TOI !!! » hurla Nick.</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Happy ne
réfléchit même pas avant de bondir en avant et d’atterrir dans les bras de
Reiko qui, pointant sa Winchester dans la direction du mort-vivant, n’hésita
pas une seconde avant de lui faire exploser la tête. La déflagration se
répercuta contre les parois de la boutique, vitrées jusqu’à mi-hauteur sur la
devanture et un côté, et le bâtiment trembla un instant, tandis que l’immense
corps décapité vacillait, hésitant à continuer sa route alors que les dernières
impulsions électriques que le cerveau non-mort lui avait envoyées
s’éteignaient. Il tomba en tas sur un rayonnage de confiseries, éparpillant au
sol des paquets de bonbons et de bubble-gum.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Reiko plaqua
Happy et Nick contre la porte vitrée. « Tenez la chaise et restez
là ! Je peux vous voir tous les deux, et je vois aussi ce qui arrive
dehors en gardant l’œil sur vous, » leur ordonna-t-elle en reculant vers le comptoir,
devant la paroi de droite, vitrée elle aussi. « S’il n’y a personne
là-dessous vous viendrez vous y planquer en attendant que je scanne le reste de
la boutique, c’est à la fois abrité et stratégique. Avec la détonation
qu’il y a eu, s’il en reste ils vont rappliquer sans tarder. »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Les deux jeunes
la regardèrent défiler entre les rayonnages, passant son pied botté sous le
rebord afin de sentir si des corps s’y cachaient, et éventuellement si c’était
le cas de les appâter pour qu’ils sortent leur tête. Lorsqu’elle atteignit le
comptoir, elle vérifia que personne ne se dissimulait dessous. Elle y trouva un
Luger P08, scotché sous la caisse, s’en saisit et dénicha une boîte de
munitions dans un tiroir. Elle le vérifia, il était entretenu.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« Venez,
c’est bon, » dit-elle aux deux gosses qui tremblaient en leur faisant
signe d’approcher. « Tiens, » dit-elle à Happy en lui glissant le
Parabellum dans la main. « Il est chargé, ça c’est les munitions. Tu vises
bien la tête, entre les deux yeux. A hauteur du nez c’est trop bas, parfois ça
ne suffit pas pour bousiller ce qui reste de leur cervelle. Surtout si tu
loupes, ne panique pas, respire un bon coup et vise de nouveau. Ça va le
faire, ne t’en fais pas. »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Happy regardait
l’arme dans ses mains, ses yeux bleu pâle étaient emplis de larmes et ses
lèvres charnues tremblaient. Happy l’entoura de son bras et déposa un baiser
sur le sommet de son crâne, sur les cheveux roux. Ils restaient soyeux, même
souillés de gasoil. L’étreinte de Reiko dégageait un mélange de puissance et de
sérénité, ce qui sembla apaiser la jeune femme.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« Il faut
qu’on foute le camp d’ici, mais on en a certainement attiré quelques-uns, je
vais vérifier encore cette boutique à la con, puis je vais aller à la
voiture : comme la lunette arrière est brisée, ils risquent de s’y être
engouffrés, il faut que je les vire. Le camion a les roues à plat, on a besoin
de la voiture pour s’enfuir. »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Elle passa la
main sous le menton de Nick et le força à la regarder dans les yeux :
« Tu ne bouges pas d’ici ! Tu restes collé à Happy, et si elle te
demande de sortir tu l’en empêches tant que je ne suis pas revenue vous
chercher : on va pas recommencer les mêmes conneries qu’avec la citerne,
il faut qu’on parte d’ici ! Tu as compris cette fois ? »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Il la regarda
craintivement et fit oui de la tête, déglutissant péniblement alors qu’il
passait son bras autour de la taille de Happy qui ne protesta pas.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« Ne vous
séparez pas, ne vous éloignez pas : à partir de maintenant vous ne faites
qu’un ! Jusqu’à ce que je revienne vous chercher, vous êtes une créature
siamoise ! »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Ils hochèrent la
tête de concert. Elle plongea de nouveau tour à tour son regard dans leurs yeux
effarés puis recommença à faire le tour de la boutique tout en jetant un œil
dehors. Il lui sembla percevoir du mouvement autour de la Ford. Elle vérifia
que la Winchester était rechargée. Elle s’acquittait si machinalement de ce
genre de tâche que parfois elle ne se rappelait pas l’avoir effectuée. Il y
avait une petite porte qui donnait de l’arrière de la boutique sous une sorte
de préau qui longeait le champ, elle était fermée et paraissait assez
résistante. Elle la consolida en plaquant un rayonnage vide en travers de
l’ouverture. Il y avait une batte de base-ball appuyée contre le mur, elle s’en
saisit puis, après avoir inspecté tous les recoins du petit magasin, retourna
vers les gosses et la confia à Nick. « Au cas où, si le Luger s’enraye.
Mais méfie-toi si tu t’approches trop près, ne les laisse pas t’attraper :
frappe de toutes tes forces… Imagine que tu es Hulk. Il faut que le crâne
éclate bien : la cervelle doit être absolument détruite, réduite en
bouillie, et tomber sur le sol. »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Il la dévisagea.
Elle déposa un baiser sur ses cheveux bruns courts, légers et doux comme du
duvet, embrassa Happy sur le front et se dirigea vers la porte vitrée. Au
dernier moment elle se retourna et pointa un doigt vers eux :
« N’oubliez pas, assurez-vous qu’ils soient bien morts : une fois
qu’ils sont au sol, approchez-vous en les gardant en joue et videz bien leur crâne.
Happy, cale la porte derrière moi. Á tout à l’heure. »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Happy se
précipita pour bloquer la porte puis rejoignit Nick derrière le comptoir.
Dehors il faisait encore nuit, il pouvait être minuit passé, et la chaussée
humide luisait sous les néons moribonds de la station-service. Ils regardèrent
Reiko qui se dirigeait vers la Mustang, toujours avec cette façon bizarre de
tourner doucement sur elle-même en pointant son fusil tandis qu’elle avançait.
Ils choisirent de se recroqueviller l’un contre l’autre sous le comptoir :
de cette manière ils pouvaient voir la paroi vitrée qui se trouvait derrière la
caisse et repérer d’éventuels assaillants. Avec un vieux rétroviseur et de la
bande adhésive qu’ils avaient dégottés dans les tiroirs, ils bricolèrent un
périscope de fortune qui leur permettait de surveiller l’entrée de la boutique
sans sortir de leur cachette.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
<span style="font-family: inherit;">*</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">Reiko aperçut un
pied qui dépassait de l’une des pompes à essence. « Connard, j’ai bien
fait de faire le plein avant, » cracha-t-elle en pensant au mort-vivant
qui l’attendait là. Ils attaquaient rarement de front lorsqu’ils étaient seuls,
à moins d’être à une distance très faible de la victime. Elle contourna le
distributeur de carburant et, sans surprise, se trouva face à une créature
décomposée qui avait probablement connu des jours meilleurs. Ils faisaient
moins peur comme ça, quand ils n’avaient presque plus rien sur eux des
personnes qu’ils étaient par le passé, quand ils n’avaient pratiquement plus
rien d’humain. Et puis aussi, plus ils étaient putréfiés, plus leurs os et
leurs chairs se rompaient aisément. Elle tourna son fusil et brandit la crosse
au-dessus d’elle.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;">« Raaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhragh »</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: inherit;"><span style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Reiko sentit ses genoux, ses coudes, ses côtes et le côté droit de son
visage heurter le bitume lorsqu’elle se trouva plaquée au sol. Elle lâcha prise
sous l’effet de la douleur et la Winchester glissa sous la Ford à quelques
centimètres d’elle. Ses yeux rencontrèrent les pieds décharnés du cadavre. Elle
sentait un poids sur ses jambes et sur son dos, des mains qui la martelaient et
qui la griffaient, quelque chose qui essayait de briser sa cage thoracique. </span></span></div>
<br />
<span style="font-family: "Times New Roman"; font-size: 12.0pt; mso-ansi-language: FR; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"><br />
</span><br />
<div style="text-align: right;">
<i><b>à suivre... </b></i></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> <span style="color: black;">- </span></span><span style="color: black;">Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
</div>
<div style="text-align: center;">
</div>
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> </span></span><br /> </i><iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/3XqyGoE2Q4Y" width="420"></iframe></div>
Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-71073284070554394312015-02-10T19:28:00.000+01:002015-02-11T14:03:57.702+01:00Chapitre I : 1977 (partie 2)<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhtMs3czmb1vx_VKqu3Bam8D_pE9UuP14NjVoPzE0ROOgcw0VFJVXlJJVrWKMIYC5wkFPklBtOOZ685P1K7DlZllh4O8IfhQL8zTNe28Kh0nwx11mxrHPiwFezdypsFt4rSvFGliOUOkuCZ/s1600/stl_zombies_02.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhtMs3czmb1vx_VKqu3Bam8D_pE9UuP14NjVoPzE0ROOgcw0VFJVXlJJVrWKMIYC5wkFPklBtOOZ685P1K7DlZllh4O8IfhQL8zTNe28Kh0nwx11mxrHPiwFezdypsFt4rSvFGliOUOkuCZ/s1600/stl_zombies_02.jpg" height="320" width="320" /></a></div>
Il y avait un
vaste champ en contrebas de la station service, ils avaient vérifié et il était
vide à leur arrivée, mais la nuit tombait, ils étaient là depuis deux heures,
et les choses marchaient implacablement malgré leur lenteur, si bien que
maintenant, elles arrivaient.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ils déboulèrent
hors de la boutique, se précipitant vers l’enseigne lumineuse qui papillotait
son ‘Enco’ fatigué devant les pompes, tombant sur Reiko qui venait vers eux en
courant, un Winchester à pompe dans une main. Aucun ne criait, ne voulant pas
attirer davantage les créatures.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Reiko voyait les
premiers crânes pointer depuis le champ derrière la boutique, et l’odeur aussi
lui parvenait. Elle garda les enfants contre elle, les empêchant de se
retourner. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Vite, on
ne pourra pas leur échapper dans la voiture, le réservoir est à sec et je n’ai
eu que le temps de remplir les jerricans. Courez vers l’arrière du camion
citerne et montez la petite échelle métallique. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Quoi ?
Mais...</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Ne discute pas
Happy, courez ! »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Nick et Happy ne
se le firent pas dire deux fois, ils se précipitèrent vers le monstre de métal
tandis que Reiko couvrait leurs arrières, reculant précautionneusement, son
fusil pointé vers l’ennemi au cas où certains auraient des velléités de se
jeter sur eux. Elle ne savait pas dire ce qui était pire, de l’odeur de ces
choses, de leurs bruits infects ou de leur vue défiant toutes les horreurs
qu’on eût pu croiser. Le plus atroce était de savoir qu’ils avait été des gens,
de vraies personnes, qu’ils avaient vécu, qu’ils avaient ri, qu’ils avaient
souffert, qu’ils avaient lutté, qu’ils avaient fondé des familles, élevé des
enfants, travaillé, été au cinéma, écouté de la musique, qu’ils avaient eu des
rêves, des déceptions, et que maintenant ils n’étaient plus que ces abominables
cadavres qui marchaient tout seuls, sans âmes, sans pensées, mus par une faim
de chair vivante et par de vagues réminiscences, des réflexes de leur vie
passée qui parcouraient les cellules en décomposition de leurs cerveaux comme
des impulsions électriques survivantes éclairent parfois une vieille ampoule
pendant une fraction de seconde lorsqu’il n’y a plus de courant. Comme le néon
fatigué de l’enseigne ‘Enco’, qui vacillait derrière elle : pas tout à
fait éteint, mais plus vraiment allumé.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Reiko se
retourna : les gosses étaient sur le toit de la citerne. Elle ne tira pas
en direction des morts-vivants bien que ceux-ci se rapprochent dangereusement,
elle connaissait bien leur réaction aux bruits et à la panique : cela
n’aurait fait que les attirer davantage. Elle partit en courant rejoindre ses
deux protégés et grimpa la petite échelle de ferraille.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« On va
entrer dans la citerne, » annonça-t-elle aux deux jeunes qui fixaient la
trappe d’ouverture sur le toit de l’énorme cylindre d’acier. Ils se tenaient
là, trois ombres chinoises se découpant contre l’indigo du ciel crépusculaire,
accroupis, faussement rassurés par la hauteur qui les séparait du groupe de
zombies se dirigeant vers eux et que les dernières lueurs du couchant
éclairaient à peine. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Happy lui jeta
un regard incrédule : « C’est une blague ? On ne va quand même
pas rentrer là-dedans ! C’est plein de gasoil, on va crever !</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Mais de toute
façon nous n’avons pas le choix : si on n’y entre pas, on va crever !
Regarde combien ils sont ! Tu crois que j’ai assez de munitions ?
répondit-elle fermement.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Mais on va se
noyer dans cette merde ! » protesta Happy tandis que Reiko, ayant
confié sa Winchester à Nick, qui ne disait rien, fixant avec terreur l’essaim
de cadavres qui s’approchait, forçait sur le levier pour ouvrir la capsule.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Enfin ! »
s’exclama-t-elle alors que le couvercle du trou d’homme bascula lourdement,
découvrant de petites barres de métal transversales qui descendaient à
l’intérieur du container. Elle se pencha avant de déclarer :
« Tu as de la chance, Happy ! Elle est presque vide ! » Et
sans plus de cérémonie, elle agrippa Happy par l’épaule et la força à descendre
le long du goulot, d’où la jeune femme se laissa choir.
« Merde ! » gronda-t-elle, pataugeant jusqu’aux chevilles dans
le carburant. Reiko fit rapidement passer Nick devant elle, et une nouvelle
protestation s’éleva : « Mais c’est pas vrai ! Ce petit con m’a
éclaboussée en tombant ! »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Reiko hocha la
tête : c’était presque drôle de voir comment des détails sans importance
subsistaient dans ces moments de danger extrême. Elle ne savait même pas s’ils
pourraient s’en sortir, et pourtant Happy râlait comme si de rien n’était. Elle
jeta un coup d’œil aux zombies : l’un d’eux était en train d’ouvrir la
portière de la cabine conducteur, il ne leur faudrait pas longtemps avant
d’essayer de grimper. Elle descendit en vitesse les premiers échelons et
referma la trappe au-dessus d’elle, bloquant le verrouillage de l’intérieur
avec sa Winchester avant de se laisser tomber à son tour.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Reiko, »
annonça Nick en lui agrippant le bras, « je ne crois pas qu’on va pouvoir
tenir longtemps, c’est étouffant ces vapeurs, j’ai les yeux qui brûlent. » Mais
cette dernière sortit trois masques à gaz d’un sac à dos qu’elle avait apporté
et ils s’en couvrirent aussitôt le visage. Elle alluma également une sorte de
petite lampe spéciale qui projeta une vague lueur à l’intérieur de la citerne,
se reflétant sur le carburant qui restait au sol.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Bon sang,
mais c’est quoi tout ça ? demanda Happy. T’as fait l’armée ou
quoi ? » </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Reiko sourit
vaguement sans répondre, mais avec le masque sur le visage qui ne laissait
apercevoir que ses yeux, c’était difficile de différencier ça d’une
grimace : « On va rester là autant qu’on pourra, les masques ont
trois heures d’autonomie… J’espère que cette merde ne va pas nous bouffer la
peau trop rapidement. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Et quand on pourra
sortir, quoi ? demanda Nick.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Nous devrons
être très prudents. Je monterai en éclaireur… à moins que j’arrive à percer un
petit trou pour observer, dit-elle en regardant un petit foret monté sur un
vilebrequin qu’elle tenait à la main.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Tu vas percer
ça ? dit Happy en montrant la paroi d’acier. Avec ça ? dit-elle
encore en désignant l’outil rudimentaire.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Ouaip, déclara
nonchalamment Reiko. Enfin, je vais essayer, puis on va d’abord attendre un
moment que ces machins nous oublient. Avec l’odeur du carburant ils ont déjà dû
arrêter de nous sentir. Le temps que ça monte aux trois neurones qu’il leur
reste et ils se remettront en route pour chercher d’autres proies. »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Le masque de
Nick laissa passer un « Que Dieu t’entende, » que ses deux camarades ne
perçurent même pas, et l’attitude de Happy, les mains sur les hanches et le
menton relevé, trahissait son incrédulité.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Dehors, les
zombies se trainaient comme ils pouvaient autour du camion-citerne, s’y
aplatissant comme des mouches sur du papier gluant. Ils avaient investi la
cabine conducteur, rampaient sous les essieux, tournaient autour du véhicule,
arrachaient les pneus. Les plus intrépides – à moins qu’ils fussent les plus
malins, ou simplement les plus affamés – grimpaient à l’échelle de métal qui menait
à la trappe et forçaient vaguement sur le levier que Reiko avait bloqué de
l’intérieur, mais assez curieusement ils n’insistaient pas autant qu’elle
l’aurait cru. L’odeur du gasoil avait au moins ça de bien qu’elle masquait
celle des humains et inversement : outre le masque à gaz, la puanteur
infecte des zombies paraissait moins intense derrière les vapeurs du carburant.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Les râles et les
grognements inarticulés se répercutaient sourdement à l’intérieur du réservoir
où Happy et Nick s’étaient blottis dans les bras de Reiko. Elle était grande,
quoique sans excès, si bien qu’elle les dépassait largement tous les deux, et
la puissance de ses bras pourtant minces les rassurait. Ils formaient un
étrange tableau, serrés ainsi debout les uns contre les autres au milieu de la
marre sombre de gazole qui luisait sinistrement à la lueur de la loupiotte, au
fond de cette citerne qui semblait aussi vaste et sombre que l’intérieur d’une
baleine. Nicky pensait au Capitaine Achab. Il aurait eu fort à faire contre les
zombies, ils étaient bien plus effrayants que Moby Dick : même s’ils
étaient minuscules en comparaison, leur nombre semblait sans fin.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
De temps à
autre, lorsque l’un des enfants éprouvait le besoin de s’asseoir, Reiko
s’adossait à la paroi concave et les prenait un moment sur ses épaules. Nick ne
comprenait pas comment elle pouvait avoir une telle force, mais il se sentait
bien, juché sur son dos, entourant son cou de ses bras et reposant sa tête
contre la longue chevelure sombre. Dès qu’il était un peu reposé, c’était au
tour de Happy de passer ses grandes pattes autour de la taille de Reiko et de
dormir un peu, échappant aux langues gluantes du gasoil qui effleuraient ses
pieds et ses sandales de corde.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il sembla à Nick
que les bouts des doigts de Reiko, qui avaient touché le carburant, laissaient
voir sous l’épiderme une pellicule argentée. Il se demanda un instant si
c’était pareil pour ses pieds, mais elle portait de lourdes bottes sous son
jean. Il repensa à la coupure sur son épaule et fantasma un instant sur la
possibilité que Reiko puisse être un robot, un robot conçu pour les protéger et
pour les sauver, comme les robots d’Asimov. Mais ça n’était pas possible :
sa peau et ses cheveux étaient ceux d’humains, et elle sentait le soleil et un
léger parfum de cédrat, pas une once de métal n’était perceptible dans son
odeur.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
*</div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Bien… ça
fait presque deux heures, je n’entends plus rien. Je vais aller voir.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Tu crois
qu’ils se sont assez éloignés ?</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Je pense que
oui, vu la rapidité avec laquelle ils nous ont rejoints, ils ont dû filer aussi
vite vers d’autres sources de nourriture. Et puis nous sommes baignés de
gasoil, il y a peu de chances qu’ils nous sentent, même s’ils ne sont qu’à
quelques centaines de mètres : l’essentiel pour l’instant c’est qu’ils ne nous
voient pas, il n’y a que comme ça qu’on pourrait se faire repérer de nouveau.
Je pars en éclaireur, vous allez m’attendre ici. »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Nick regarda la
trappe se refermer derrière Reiko et il ne put s’empêcher de serrer la main de
Happy qui se tenait debout à côté de lui. Le hideux masque à gaz kaki de la
jeune femme s’inclina vers lui et elle attira le gamin contre elle. Elle avait
aussi peur que Nick en cet instant. Il regretta de devoir porter cet attirail
de survie lorsqu’il appuya son visage contre le torse de Happy, mais il la tint
fort contre lui, entourant ses hanches de ses bras. Ils attendirent ainsi
enlacés, priant pour que Reiko revienne vite, porteuse de bonnes nouvelles.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Elle balaya du
regard les alentours, telle un LIDAR, sans percevoir de présence suspecte, puis
s’assura qu’aucun monstre n’avait trouvé refuge sous le camion ni entre les
essieux. La Winchester dans une main, elle ouvrit la cabine conducteur, y
grimpa et la fouilla minutieusement : ces fichus non-morts étaient rusés
et lui avaient souvent réservé de mauvaises surprises en se dissimulant. Les
effluves de pourriture persistaient mais il n’y avait personne. Elle
redescendit en refermant la portière sans la claquer, tâchant de rester le plus
discrète et le plus silencieuse possible pour ne pas les attirer de nouveau,
puis se dirigea vers la Mustang, parquée juste devant les pompes, à deux pas du
camion-citerne.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Les créatures
avaient essayé d’ouvrir la voiture, mais Reiko l’avait verrouillée avant
d’aller chercher les gosses pour les faire monter dans le camion et les zombies
avaient juste réussi à éclater le pare-brise arrière du coupé 1965, s’emparant
d’un des sacs de nourriture et d’un jerrican, répandant leur contenu sur le
bitume et piétinant les provisions trempées d’essence. Ils savaient comment
pousser les survivants dans leurs derniers retranchements en leur coupant les
vivres et les moyens de fuir et Reiko se félicita qu’ils n’aient pas ouvert le
coffre. Elle regarda derrière le verre brisé, auquel des lambeaux de chairs putréfiées
et des guenilles étaient restés accrochés, puis tourna lentement autour de la
Ford, ouvrant les portières l’une après l’autre pour vérifier qu’aucun zombie
ne s’était tapi entre les sièges ou sur la banquette, et les refermant le plus
doucement et silencieusement possible.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Elle fit le tour
des pompes, regarda en l’air, puis, jaugeant le bitume à peine éclairé par
l’enseigne défectueuse, profita de ce calme apparent et de ce que les gosses
étaient en sécurité pour faire le plein de la voiture, sans cesser de scanner
du regard les alentours. Rien ne bougeait. Ceci fait, elle se dirigea vers la
boutique aux néons blafards. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Tout en
franchissant ces quelques mètres, elle tournait lentement sur elle-même,
pointant son fusil, le doigt sur la détente, tentant de percer la nuit aussi
loin qu’elle pouvait afin de déceler la moindre distorsion dans l’air ou dans
le son. Les créatures semblaient avoir rapidement déserté l’endroit.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Avant d’entrer
dans la boutique, elle en fit le tour par la droite, examinant également le
vaste champ en contrebas par lequel les créatures étaient d’abord arrivées et
s’assurant qu’aucun ne planquait derrière la baraque. Elle entra dans les
toilettes, qui se trouvaient dans un local séparé du côté gauche du
self-service. Dans la pénombre, les urinoirs crasseux, dont l’un était brisé,
semblaient des orbites décharnés sur le visage squelettique du mur aveugle.
Elle écarta doucement la porte de la première stalle, vide, puis la
seconde : une créature était assise là, un vieux journal dans les mains,
parodiant un humain aux toilettes, la dévisageant avec un rictus qui révélait
des gencives recouvertes de moisissure sous ses lèvres rongées par la putréfaction.
L’odeur, mêlée à celle des chiottes usagées et dégoûtantes, lui agressa les
narines et la gorge.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: right;">
<i><b>à suivre... </b></i></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> <span style="color: black;">- </span></span><span style="color: black;">Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></span></i><br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<br />
<br />
<div style="text-align: center;">
<iframe allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/AqZceAQSJvc" width="420"></iframe>
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> </span></span> </i></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
Ours http://www.blogger.com/profile/07374306665131079931noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-197674323596931280.post-16318796829488056242015-02-09T19:28:00.000+01:002015-02-11T14:00:25.546+01:00Chapitre I : 1977 (partie 1)<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="MsoNormal">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEikjqN1iEpM5yPCn2UwGvXh69xf7j1IHcQhyphenhyphenntEFDv-1tCxBSG3Xi9SOJ5QRedQ7bRTkVIisw6NTRpJ6EA3o9W6zEfPHsn0hnpNaHzzjyWXBWX32ieewBvxYcCfPf2Z8WoIl5GQKyg88XS7/s1600/stl_zombies_01.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEikjqN1iEpM5yPCn2UwGvXh69xf7j1IHcQhyphenhyphenntEFDv-1tCxBSG3Xi9SOJ5QRedQ7bRTkVIisw6NTRpJ6EA3o9W6zEfPHsn0hnpNaHzzjyWXBWX32ieewBvxYcCfPf2Z8WoIl5GQKyg88XS7/s1600/stl_zombies_01.jpg" height="320" width="320" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
Assise sur le
bord du trottoir devant la station-service désaffectée, Happy se tordait les
pieds, fixant distraitement la semelle de corde de ses sandales à talons
compensés, tout en tirant de temps à autre des bouffées nerveuses de sa Kool
mentholée.</div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ils roulaient
vers le nord : Reiko disait qu’il fallait aller vers le nord. Mais Reiko
ne s’appelait pas vraiment Reiko, ça c’était plus que sûr, alors que
savait-elle vraiment d’une enclave au nord ?</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;">« Quelle idée de s’embarquer avec eux</span>, »
soupira-t-elle en secouant sa longue chevelure blond vénitien qui retomba sur
ses épaules nues, parsemées de taches de rousseur. Reiko roulait depuis un
moment déjà lorsqu’elle avait pris Happy en stop. « Et la première chose
qu’elle a faite c’est de m’engueuler parce que je faisais du stop, j’aurais dû
me méfier, » dit-elle tout haut en levant au ciel ses yeux bleu pâle. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Happy détestait
recevoir des ordres, c’est pour ça qu’elle s’était enfuie de chez elle deux ans
auparavant, et maintenant, avec ce qui s’était passé et sa virée avec Reiko,
elle recevait des ordres à longueur de journée.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Ils étaient
arrivés là peu avant, roulant depuis plusieurs heures depuis le Comté d’Orange.
Reiko conduisait. Elle conduisait toujours. Ils avaient pris Happy en stop à la
sortie de Redondo Beach. L. A. County n’était pas entièrement tombé mais il
valait mieux ne pas s’éterniser là-bas, par contre Orange était fini. Ils
s’étaient enfoncés dans les terres, parfois dépassés par d’autres fugitifs
comme eux. A peine plus tard, après un arrêt dans la baraque fortifiée de
quatre motards survivants d’où elle avait pu passer un contact radio, Reiko
avait annoncé sans justifier ce choix qu’il faudrait prendre au nord. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Nicky passait
les longues heures du trajet à dormir ou à les observer, tantôt l’une, tantôt
l’autre. Happy lui plaisait beaucoup, elle était jeune, en rébellion
perpétuelle, et totalement sexy. Elle le rabrouait tout le temps, l’insultant
et se penchant en avant pour lui donner des tapes sur la tête lorsqu’elle
voyait qu’il l’observait dans le miroir passager. Pour elle il n’était qu’un
sale gamin pré-pubère, guère plus qu’un petit frère dont on aimerait se
débarrasser, mais on ne peut pas, parce que c’est un frère et il faut veiller
sur lui. D’autres fois, il regardait Reiko. Ça faisait plus longtemps qu’il la
connaissait - dans ces moments-là, une semaine c’était comme dix ans - et elle
le rassurait. Il était assis seul devant la maison de ses parents lorsqu’elle
l’avait trouvé, perdu, sans nouvelles d’eux, il se barricadait comme il pouvait
lorsqu’il entendait que ça tournait mal, mais il n’allait pas tenir longtemps.
Il avait construit un petit fortin avec ses voisins, deux gosses comme lui,
mais au bout d’un moment, ils n’étaient plus venus... Enfin, si, un soir ils étaient
revenus, mais... On aurait dit qu’elle le cherchait, qu’elle savait où il était
et qu’elle était venue pour lui. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Reiko signifiait
‘gratitude’, et même si ce n’était pas son vrai nom, il reflétait ce qu’il
ressentait pour elle. Il la dévisagea. Quel âge pouvait-elle avoir ? Elle
était comme un adulte, parfois elle était si grave et sage qu’elle paraissait
avoir cent ans, et pourtant elle avait de temps à autre l’air plus jeune que ne
l’était Happy, et même plus jeune que lui, comme si elle venait d’ailleurs. Et
qu’est-ce que c’était que cette coupure bizarre qu’elle avait à l’épaule ?
Elle brillait et il l’avait vue de ses yeux se refermer un jour où un rayon de
soleil l’avait effleurée pendant qu’elle conduisait. La peau avait comme rampé
d’une lèvre de la blessure à l’autre pour se cicatriser sous l’effet de la
lumière et de la chaleur, laissant temporairement une boursouflure chéloïdienne
en haut du bras de la jeune femme, pour finir par s’estomper totalement. Mais
Reiko ne l’avait pas laissé y toucher. Elle était définitivement étrange, et
pourtant, à certains moments, aussi prévisible qu’un livre ouvert. </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Quand Happy le
regardait, avec ses yeux bleus pleins de défi, sa bouche boudeuse, et ses dents
perlées, il transpirait, sa gorge se serrait, et il se sentait comme en rut.
Quand Reiko le regardait, il voyait de l’amour et du respect dans ses yeux
bruns, il voyait l’univers et il était rassuré et en paix. Elle lui tapotait
souvent la tête comme on fait à un petit chien, et en sa présence il se sentait
effectivement comme un petit loup avec sa mère.</div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br />
Le gamin sortit
précautionneusement des toilettes derrière le petit magasin qui jouxtait les
pompes et se dirigea vers elle. Le soleil commençait à se coucher, et nimbait
Happy d’une lumière dorée. Il détailla la forme pleine de ses seins sous le
bustier au crochet à rayures multicolores dont elle nouait derrière sa nuque
les fines bretelles et déglutit avec peine. « Arrête de me mater, petit
con ! » lui lança-t-elle en même temps que le paquet de cigarettes
vide qu’elle avait roulé en boule. Un éclair d’agacement se lut sous sa frange
rousse lorsqu’il s’excusa en continuant à fixer sa peau blanche et laiteuse étoilée de taches de rousseur, mais il lui demanda où était Reiko avant
qu’elle puisse se fâcher davantage.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« A
l’intérieur, elle fait des provisions.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Il y a ‘du
monde’ dedans ?</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Non, elle a
vérifié avant d’entrer, pas de traces.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Tant mieux,
j’en peux plus de ces saloperies. »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Happy se leva et
écrasa sa cigarette avec dédain. Le gamin la regarda encore. Elle était longue
et fine et son jean pattes d’eph’ la moulait à ravir, elle lui faisait penser à
quelque chose d’à la fois innocent et pervers, comme une illustration de Sarah
Kay qui poserait dans PlayBoy, et cela lui faisait vraiment envie. Pourquoi y
avait-il un tel fossé entre un gamin de treize ans et une jeune femme de
dix-sept ?</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Elle s’aperçut
qu’il continuait à la dévisager et s’apprêtait à lui passer un savon
lorsqu’elle remarqua la Mustang verte qui manœuvrait devant les pompes. Ni l’un
ni l’autre n’avait vu Reiko ressortir de la boutique avec les provisions, mais
apparemment elle avait déjà chargé la voiture et préparait leur départ.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Je nous
constitue une réserve d’essence avant de faire le plein, » leur
lança-t-elle, « il reste du jus dans celle-là ! Nick, apporte-moi les
deux jerricans vides, on va faire des provisions ! Happy, si tu veux
rentrer prendre quelques trucs, les denrées ne sont pas encore périmées et il
n’y a rien à signaler à l’intérieur de la boutique. Il y a des clopes, mais je
préférerais que tu essaies de ne pas trop fumer. »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
La jeune fille
prit un air excédé mais le visage du gamin, quelque peu perturbé par ses
hormones chaque fois qu’il était en présence de Happy, s’éclaira à l’appel de
Reiko qui venait dissiper le malaise : il saisit les deux gros bidons
vides et se précipita vers elle.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il contourna le
camion-citerne parqué devant l’enseigne Enco, jetant malgré lui un œil effrayé
en direction de l’intérieur de la cabine, mais il n’y avait rien : pas de
squelette décharné d’un routier mort depuis longtemps grimaçant derrière le
volant, ou pire, de créature putréfiée qui, penchée sur le tableau de bord, le
dévisagerait à travers la trop mince protection du pare-brise poussiéreux.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il soupira et
posa les jerricans au pied de Reiko, laquelle, debout devant la Mustang, remplissait
celui qu’elle avait déjà trouvé en mâchonnant une brindille. « Voilà,
cow-boy ! » lui dit-il en souriant. Elle lui rendit son sourire et
regarda au loin. <i>C’est vrai qu’on dirait un cow-boy</i>, songea-t-il devant
la grande femme mince qui plissait les yeux pour voir l’horizon, <i>un cow-boy
en forme de fille</i>. Il voyait bien qu’elle n’était pas japonaise, même pas
d’origine, mais ce prénom lui allait bien, et puis – ce détail revêtait une
immense importance pour lui depuis les événements – elle le rassurait, un peu
comme un parent, un parent qui serait encore plus fort que des parents, qui
serait à la fois sa mère et son père. Comme un super-héros ! Comme ce type
avec les griffes qu’il avait vu dans sa bédé favorite quand il avait dix ans.
Il ne l’avait pas oublié celui-là, il se souvenait même de la référence : <i>Incredible
Hulk</i> #180 !</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Le soleil
se couche, tu devrais aller voir ce que fabrique Happy, il va falloir qu’on y
aille. La station-service n’offre pas d’abri suffisamment solide pour la
nuit : on va devoir rouler, » lui annonça-t-elle avec un air désolé.
Elle chargea les deux jerricans déjà pleins dans le coffre à côté des sacs de
provisions et de la trousse à pharmacie, et commença à remplir le troisième
qu’elle calerait derrière le siège passager.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Nick retourna à
la petite boutique, les néons qui étaient encore alimentés commençaient à
clignoter leur lumière blafarde. « Happy ! » demanda-t-il en
entrant, ne voyant personne. « Happy ? » Il sentit un<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>frisson lui parcourir l’échine mais continua
d’avancer, à pas feutrés, regardant entre les rayons.
« Happy ? » souffla-t-il, murmurant presque, puis, envahi par la
panique, il hurla : « HAPPY !!!!! »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Oui,
oh ! Ça va ! On a le droit d’aller aux toilettes ! » </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Il la regarda
débouler de l’arrière boutique, s’essuyant les mains avec un chiffon. Soulagé,
il s’adossa à un rayonnage de conserves savamment empilés en pyramide, qui
s’effondra.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« Bravo !
Non mais regarde-moi ça ! Quel mala... Nick... Nick ?... tu entends ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
Tous deux se
figèrent, tendant l’oreille. Par-delà le fracas métallique et sourd des lourdes
boîtes de conserves roulant au sol, une sorte de brouhaha leur parvenait. Un
bruit qu’ils connaissaient bien désormais, un bruit de borborygmes et de pas
qui se traînent.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
« C’est
dans la station ? murmura Happy, les yeux écarquillés.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
— Non, on dirait
que ça vient de dehors, derrière. »<br />
<br />
<div style="text-align: right;">
<i><b>à suivre... </b></i></div>
<br />
<i>Tous droits réservés © Estelle Valls de Gomis<span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> <span style="color: black;">- </span></span><span style="color: black;">Toute reproduction interdite sans accord préalable de l'auteur.</span></span></i><br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;">__________________ </span></span></i></div>
<br />
<div style="text-align: center;">
<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"><b>Les illustrations musicales sont © leurs auteurs respectifs </b></span></span></i></div>
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
<div style="text-align: center;">
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<i><span style="color: #990000;"><span style="color: black;"> </span></span> </i></div>
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